Acteurs d’une mode responsable : le cas Ester Manas

Acteurs d’une mode responsable : le cas Ester Manas

Un duo remarqué

Peu de jeunes designers peuvent se vanter d’avoir connu des débuts aussi fulgurants qu’Ester Manas et son partenaire, Balthazar Delepierre. Suite à leur rencontrer durant leurs études à la Cambre (Bruxelles), le duo se lance rapidement grâce à au succès de la collection de fin de cursus d’Ester, baptisée « Big Again ». Née d’une frustration personnelle (la créatrice s’habille en 44 et ne trouvait aucun vêtement qui la mette en valeur), la ligne se démarque par son concept de taille unique. Une rareté dans le prêt-à-porter de luxe qui suffit à les faire sortir du lot. Vainqueurs du H&M Design Award, puis du Prix Galeries Lafayette lors du Festival de Hyères en 2018, les créateurs se voient offrir la possibilité de dessiner une collection pour le grand magasin parisien. Dévoilée en 2019, cette dernière sera le prélude à la première ligne officielle de la maison, présentée dans le cadre de la saison Automne-Hiver 2019. Enfin, l’année dernière, c’est le Prix LVMH qui leur a fait les yeux doux, voyant le duo se hisser au rang de finalistes. De quoi lui offrir une dose d’exposition supplémentaire.

Une mode inclusive

La particularité des vêtements Ester Manas ? Ils se déclinent dans un éventail de coloris, matières et coupes... mais en taille unique. Une habile prouesse rendue possible par des jeux de fronces, des cordons de serrage et autres astuces stylistiques qui permettent au vêtement de changer de proportions sans perdre en attractivité ni en style. « Mathématiquement, entre un 34 et un 50, il y a 40 centimètres, expliquait Ester Manas au site Printemps.com en avril dernier. Donc si on ajoute quatre rallonges de tissus de 10 centimètres chacune autour du buste par exemple, ça fonctionne. On utilise évidemment beaucoup de matières élastiques, des fronces, qui prennent en charge ces excédents de matière. C'est comme un ballon qu'on gonfle. On évite les manipulations compliquées. Boutonnières, cordons de ceinturage : on utilise des choses qui existent déjà, on joue avec, on les déplace sur le corps pour qu'elles nous servent. »

Mais ce concept de taille unique n’est pas uniquement une question d’inclusivité et d’inventivité. Il permet également de lutter contre la surconsommation en proposant des pièces qui durent plus longtemps, pensées pour accompagner leurs propriétaires dans plusieurs étapes de leurs vies. « Nous voulons que les vêtements que nous fabriquons durent plus longtemps que la moyenne, décryptait la créatrice auprès de l’édition belge du magazine ELLE en janvier dernier. Qu’ils s’adaptent aux corps de nos clientes en fonction de leur évolution. Le corps, ça bouge ! Un corps change au fil des années. Parfois je fais du 44, parfois du 46. N’est-ce pas fou de changer constamment toute sa garde-robe en fonction de son poids ? Les femmes peuvent continuer à porter nos vêtements, par exemple pendant la grossesse ou d’autres changements de morphologie. » Qui plus est, la production sans taille spécifique permet également d’éviter les problèmes de stocks et par conséquent, d’invendus qui gangrènent une bonne partie de l’industrie de la mode et alimentent les décharges.

Acteurs d’une mode responsable : le cas Ester Manas

A lire également : Ultra fast-fashion, le paradoxe de la génération Greta

Une production éthique

Cependant, loin de s’arrêter en si bon chemin, la marque met également un point d’honneur à choisir des matières responsables et à produire ses collections de manière éthique. Leur botte secrète ? Le deadstock, ce surplus textile acheté auprès de grandes maisons dont on parle de plus en plus et qui permet d’éviter le gâchis de matières premières tout en assurant un soupçon d’exclusivité aux designs de la griffe. « (...) Si notre stock de tissus est épuisé, il est épuisé, confiait Balthazar Delepierre lors du même entretien. Nous pratiquons une politique très stricte de lutte contre la surconsommation. Avant même qu’une nouvelle collection ne prenne forme, nous nous rendons dans un magasin de textile, généralement à Paris. Nous y achetons le deadstock – des rouleaux excédentaires de tissus de créateurs qui, sinon, finiraient à la poubelle. C’est seulement à partir de ce moment que nous réfléchissons à des silhouettes possibles pour la collection. » Et afin de produire de manière locale, le duo s’est rapproché de Mulieris, un atelier de confection sociale qui emploie de femmes en situation de réinsertion professionnelle, situé à une vingtaine de minutes de son studio. En un mot, un circuit extra-court qui permet d’éviter les transports coûteux et polluants et tente plus que jamais de remettre l’humain, toutes tailles confondues, au centre du débat.

Mots clés: