Arctique, Antarctique, Himalaya, trois grands pôles à surveiller avec le changement climatique

Arctique, Antarctique, Himalaya, trois grands pôles à surveiller avec le changement climatique

Il n’y a pas deux pôles mais trois sur notre planète Terre ! Le Nord, le Sud et l’Himalaya. Trois pôles et leur gestion future qui seront au cœur des échanges lors de la prochaine réunion du Cercle arctique devant se tenir à Abu Dhabi (Emirats Arabes Unis) en janvier 2022, sur les questions d’énergies propres, de ressources en eau et de lutte contre le changement climatique. C’est en substance l’étonnant message qu’a fait passer Mikaa Mered, secrétaire général de la chaire Outre-Mer de Sciences Po (Paris) lors de sa deuxième conférence intitulée "Des pôles aux Emirats", devant les croisiéristes venus avec Sciences et Avenir- La Recherche à bord du MSC Virtuosa, découvrir l’Exposition Universelle à Dubaï (EAU).

Arctique, Antarctique et Himalaya : les plus grandes sources d'eau douce de la planète

Exposition intitulée "Connecter les esprits, construire le futur" qui doit durer jusque fin mars 2022 (lire encadré), où les mots clés des pavillons de 192 pays sont "mobilité, durabilité, opportunité". Ce qu’introduit ainsi le spécialiste de géopolitique de l’énergie, carte à l’appui (voir ci-contre), c’est "une vision du monde autre". Un renversement des continents – coupant volontairement l’Amérique du Sud et du Nord en deux morceaux séparés - que promeut la Chine (mais pas seulement elle), en se plaçant au centre de la carte. La Chine avec sa State Grid corporation of China (SGCC) - plus grand gestionnaire réseau électrique au monde, distribuant l’énergie à plus d’un milliard de personnes – est au centre des interrogations actuelles sur la décarbonation de l’énergie au niveau mondial, comme on l’aura encore compris lors de la COP26 à Glasgow en novembre dernier.

Mikaa Mered pendant sa conférence. Photo de Dominique Leglu.

Ces "trois pôles, Arctique, Antarctique et Himalaya, constituent les plus grandes sources d’eau douce de la planète", rappelle Mikaa Mered, avec leurs glaciers affectés par le réchauffement climatique global. La fonte de ceux de l’Himalaya (1) "a des implications pour la sécurité de 1,65 milliard de personnes", selon l’annonce du Forum arctique à Abu Dhabi, organisé avec le ministère du changement climatique et de l’environnement des EAU. En clair, si les trois pôles évoqués ne sont que très peu ou pas du tout habités, on aurait tort de les percevoir comme des zones "périphériques" ou secondaires, l’Arctique et l’Antarctique étant rejetées aux confins de nos planisphères classiques.

Leur évolution devrait même conditionner l’orientation de nombre de recherches scientifiques, afin de mieux cerner les impacts de la fonte des glaces, "sur les écosystèmes, la production énergétique, l’agriculture et l’industrie", thèmes qui seront discutés lors du Forum. Des impacts qui feront également l’objet du prochain rapport du GIEC (deuxième groupe), dont la publication est prévue fin février 2022. La question de savoir comment atteindre "la neutralité carbone", c’est-à-dire "remplacer charbon, pétrole et gaz qui représentent aujourd’hui 84% de la consommation énergétique mondiale" par des énergies vertes est cruciale, rappelle Mikaa Mered.

En 2050, "le transport maritime aura triplé voire quadruplé par rapport à 2015"

Dilemme majeur : comment parviendra-t-on mondialement "à faire ce qui n’a jamais été fait", c’est-à-dire substituer de nouvelles sources d’énergie aux plus anciennes ? En effet, au fil des décennies de la société industrielle, toute nouveauté (hydraulique, nucléaire, éolien, solaire, etc.) s’est simplement… rajoutée au mix énergétique global. Les grands équilibres stratégiques mondiaux dépendent de ces choix. Ainsi, "le premier concurrent du Qatar [pour le gaz] est l’Arctique russe", explique Mikaa Mered, précisant que, déjà, "1/3 de la consommation de gaz naturel en France provient de cet Arctique russe". Et de préciser qu’aujourd’hui "Total détient 19,4% de Novatek", le deuxième plus grand producteur de gaz russe, installé dans la région autonome de Yamal-Nenets en Sibérie occidentale. "Total ne va pas quitter l’Arctique demain", lance ainsi le spécialiste de géopolitique, qui pointe à sa manière ce qu’il nomme "le paradoxe de l’Arctique : si on veut sauver cette région, il faudra aller la creuser"… Car elle regorge aussi de métaux et terres rares (2), indispensables aux engins (voitures électriques, panneaux solaires…) et aux productions (hydrogène…) envisagés pour la transition énergétique.

Comment concilier économie et écologie ? Comment parvenir à une exploitation propre, sans émissions de gaz carbonique ou du méthane, gaz à effet de serre accroissant le réchauffement climatique ? Mikaa Mered pointe ainsi l’arrivée dès 2024 de nouveaux brise-glaces russes dotés de "réacteurs nucléaires deux fois plus puissants" que ceux utilisés actuellement, permettant d’ouvrir la voie à des navires transportant par exemple du gaz liquéfié, notamment dans le "passage du Nord-Est qui viendra en complément du Canal de Suez". Sans oublier la construction d’autres brise-glaces à propulsion nucléaire très puissants par la Chine, qui voit dans l’Arctique et l’Antarctique des enjeux majeurs pour son développement.

En 2050, est-il estimé, "le transport maritime aura triplé voire quadruplé par rapport à 2015". La nouvelle route du Nord pouvant représenter 20% du trafic maritime entre l’Europe et l’Asie. Une route qui demande aussi la construction de nouveaux ports, des « hubs » pour faire transiter les ressources entre terre et mer. Nul doute qu’à l’avenir, de nouveaux noms tel celui de Severomorsk, base principale de la marine russe, seront mieux connus du grand public. Qui, lui aussi, devra réviser sa géographie sur de nouvelles cartes du monde.

1) Des travaux sur la région Hindu Kush Himalaya (KHK) ont donné lieu à un premier rapport en accès libre, réalisé par 300 chercheurs, experts et décideurs, réunis dans le programme Himap (Hindu Kush Himalayan monitoring and assessment programme), coordonné par le Centre international de développement des montagnes (Icimod).

2) A lire « La guerre des métaux rares. La face cachée de la transition énergétique et numérique », par Guillaume Pitron, éditions Les liens qui libèrent, 2018.

Ecrans géants, catamaran et origami"Devrions-nous à l’avenir ne faire appel qu’à des énergies renouvelables ?" interroge un panneau dans le pavillon de l’Allemagne, à l’Exposition universelle de Dubaï. Les visiteurs sont alors invités à "voter" en choisissant de passer par une porte ou par une autre, la première correspondant au "oui" et l’autre au "non". Même interrogation sur la biodiversité : "Devrions-nous en faire plus pour la protéger ?" La république fédérale a clairement voulu afficher sa couleur verte et annoncer "[Sa] vision pour 2050", dans un lieu conçu comme un campus avec tous ses laboratoires. Y défilent les exemples de nouveaux moyens de stocker l’énergie, d’innovations pour le recyclage du CO2 et éviter la dissémination de ce gaz à effet de serre dans l’atmosphère, de la recherche sur les oiseaux, grenouilles, criquets… interviews de chercheurs à l’appui."100.000 idées pour un avenir durable. Nous inventons, et inventons et inventons", clame une annonce, devant une mer de boules jaunes, dans laquelle enfants et parents s’enfoncent en s’esclaffant. Les boules permettant aussi d’accéder, comme sur de petits billards à trous, à de nombreux quizz, qui interrogent sur l’art de protéger l’environnement "en pratiquant l’auto-partage" ou en s’habillant avec "des vêtements de seconde main"…Les queues s’allongent devant ce pavillon, plébiscité comme l’un des plus intéressants de l’Exposition. Dans le pavillon français, plus classique, intitulé « Lumière, lumières » - cinquième pavillon le plus visité, selon les chiffres de début décembre - le visiteur est accueilli par de belles pages de l’Encyclopédie - "Nous ne pouvons parler de progrès sans débuter par le siècle des Lumières", annonce le cartouche.Mais ce sont deux points qui retiennent surtout l’attention, nous disent les hôtes des salles, dans l’équipe de 25 personnes en permanence sur place. D’abord, les énormes dirigeables Flying Whales (Baleines volantes), l’entreprise du même nom présentant un aéronef de 200 mètres de long, capable de transporter jusqu’à 60 tonnes dans des zones d’accès difficiles, notamment dépourvues d’aéroport. Surtout, le « Bateau-musée Art Explorer », dont une maquette flotte sur un petit plan d’eau. Mission de ce "plus grand catamaran voilier du monde", conçu par la fondation culturelle Art Explora et dont l’inauguration est prévue en 2023 : "Offrir à son bord des expositions numériques renouvelées chaque année".Et concevoir dans les ports visités par le bateau "un festival culturel pensé avec les acteurs locaux". L’idée plaît. Il n’a évidemment pas été possible aux croisiéristes de Sciences et Avenir de visiter en 3 jours les pavillons des 192 pays, mais un palmarès en ressort néanmoins. Outre celui de la Russie et de la mobilité (conçu par l’architecte Norman Foster) ainsi que celui de la durabilité avec son spectaculaire aquarium virtuel les deux immenses pavillons de l’Arabie Saoudite et des Emirats (un faucon aux ailes déployées, qui se replient le soir, conçu par l’architecte Santiago Calatrava) sont pris d’assaut.Le premier déploie une théorie fastueuse d’écrans géants ainsi qu’une fontaine où se pressent les visiteurs prêts à se faire arroser par surprise, quand le second mise sur des start-up innovantes après déambulation au milieu de dunes de vrai sable sur lesquelles sont projetées des vidéos. Bien plus modeste est la Palestine, où l’on peut sentir des effluves de jasmin ou de rose émanant de diverses poteries quand l’Espagne présente un film versant dans le fantastique où une très étrange « Lune d’août » bouleverse les esprits, alors que le Kazakhstan clôt sa présentation sur une virevoltante danse humain-robot très applaudie.Enfin, on ne saurait oublier le pavillon du Japon, qui accueillera en 2025 la prochaine Exposition Universelle à Osaka. Poétique, il rend hommage au passage du temps qui se mesurait jadis à la floraison ou à la tombée des feuilles en automne, et fait déambuler le visiteur devant un immense globe terrestre où flottent des fleurs et des oiseaux stylisés – effets numériques spectaculaires totalement maîtrisés - avant que de le plonger dans un brouillard rafraichissant et l’inviter à danser. Il en ressort avec un éventail et le petit cadeau d’un Orizuru, une grue en origami porte-bonheur. Tradition oblige.DJL

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