Châlons-en-Champagne : des passionnés veulent rouvrir le musée de la machine à coudre et en faire un lieu unique en France
Lucien et Huguette Cordier, deux amoureux de la couture et de la belle mécanique, avaient initié le projet. Leur collection de machines à coudre était exposée, depuis de nombreuses années, au cœur de Châlons-en-Champagne, visible uniquement sur rendez-vous et lors des journées du patrimoine. Leur fils et deux autres passionnées, veulent, désormais, en faire un lieu d’exception.
Le 13 Place des buttes à Châlons-en-Champagne était ouvert, sur rendez-vous, pendant plus 25 ans. Un musée incroyable, où il suffirait d’un rien pour entendre à nouveau le bruit très spécifique de la machine à coudre. Peut-être pas de la toute première inventée il y a près de 200 ans, par le français Barthélemy Thimonnier, même si elle fait bien partie de la collection. Mais pourquoi pas, d’autres, plus modernes. "Vous savez, la mécanique n’a pas changé, explique Laurent Cordier, fils de Lucien et Huguette. Entre une machine d’il y a 100 ans et une d’aujourd’hui, il n’y a pas de grande différence. La piqueuse simple fonctionne toujours de la même façon ".
Peugeot, Mercedes, Opel en ont fabriquées
Laurent Cordier a été bercé, dès son plus jeune, par cette musique bien spécifique de la machine à coudre. Passionné à son tour, il souhaite transformer la maison familiale de ses parents en un lieu incontournable. Attenant à leur maison, Huguette et Lucien avaient rassemblé une collection de machines à coudre, aujourd’hui unique en France. "Certains me disent : je connais bien la Singer. Je leur réponds, mais, nous, ce que l’on montre c’est celles d’avant ! Il faut savoir que les plus grands constructeurs automobiles, Peugeot, Mercedes, Opel, ont commencé par fabriquer de la machine à coudre, explique Laurent Cordier. Machines à main, à pédale, à piston, à ficelle, de voyage ou la première électrique".
Elles y sont toutes, plus de 500, datant de 1830 à 1900, sans compter les 500 autres machines à coudre conçues pour les enfants. Elles aussi ont de plus d’un siècle. "La machine à coudre était, à l’époque, le premier achat d’un couple. Elle se payait sur plusieurs mois de salaire, c’était ce qui permettait de faire tous les vêtements de la famille, les draps, les rideaux. Elle avait même une place prépondérante en période de guerre car les entreprises qui les fabriquaient pouvaient rapidement se transformer en usine d’armement. Tout le matériel y était : fonte, acier, mécanique".
L’histoire de Lucien
Il avait 12 ans, Lucien Cordier, lorsqu’il a dû aider son père à la maison. "Il a commencé par vendre du fil et des aiguilles en faisant du porte à porte, raconte avec une pointe d’émotion Laurent, son fils. Puis en vélo ensuite, et en mobylette plus tard, il a pu transporter et vendre des machines à coudre. Vous en achetiez une et mon père récupérait l’ancienne. Les machines à coudre à pédale ont été données, pour beaucoup, à des associations qui les ont envoyées en Afrique. D’autres, sortant de l’ordinaire, étaient mises de côté".
A l’époque, la famille vit à Nancy, et c’est ainsi qu’elle commence à accumuler les machines, sans forcément se douter de la suite. Lucien Cordier ouvre son premier magasin, à Bar-le-Duc dans la Meuse. C’est aussi dans cette ville qu’il rencontre sa femme. Ensemble, ils poursuivent la passion. Ils s’installent à Châlons-en-Champagne et ouvre en 1956, Place Godard, leur second magasin de vente de machines à coudre. "Notre collection a grandi, raconte encore Laurent Cordier, mes parents, puis moi avec eux ensuite, nous participions a des réunions de collectionneurs en Allemagne, en Angleterre. C’était des clubs de machines à coudre où nous échangions nos machines pour avoir de plus belles pièces. J’ai racheté des collections, créé un site internet". Laurent ouvre lui-même un magasin de vente de machines à coudre à Reims à la fin des années 70. A leur retraite, ses parents, transmettent le leur à Françoise Billo. Il perdurera jusqu’en 2019.
Un lieu unique en France
Lucien et Huguette Cordier sont aujourd’hui décédés et le musée privé qu’ils ont créé, fermé. Laurent, leur fils, a donc bien l’intention de faire revivre la collection familiale. "Je souhaite qu'elle devienne vivante. Nous voulons lui donner la grandeur qu’elle mérite et qu’elle puisse permettre au plus grand nombre de personnes de se retrouver. Leur transmettre la passion de ce patrimoine accumulé pendant plus de 50 ans".
Pour cela, il a été rejoint par deux passionnés : Françoise Billo, qui a racheté le magasin et Lucile Debrandt couturière et créatrice de lingerie. "Si c’est pour faire un musée classique, et ce n’est pas péjoratif, reprend Laurent Cordier, ce n’est pas la peine. Nous ne souhaitons pas ouvrir quelques mois dans l’année et quelques heures par jour pour voir 3-4 personnes. Nous voulons rassembler, fédérer". Créer un lieu atypique, intergénérationnel où, bien sûr, les plus beaux modèles de machines à coudre seront exposés, mais où des cours de couture pourraient être dispensés, des lieux d’exposition mis à disposition, où encore un salon de thé pourrait être installé.
Mais avant cela, la première étape est de créer une association loi 1901 et de recruter des bénévoles. "Nous devons d’abord procéder à la transformation de la maison familiale de mes parents, la rénover pour pouvoir y installer la collection. Pour cela nous comptons sur la solidarité et les compétences de chacun dans tous les domaines : électricité, décoration etc.". Une fois cette nouvelle étape accomplie, il faudra fidéliser ces bénévoles pour faire fonctionner le lieu dédié.
L’association débutera avec une chance folle : celle d’avoir un site de plus de 300 mètres carrés, en plein centre-ville de Châlons-en-Champagne.
Un lieu et une âme… celle déposée-là par Lucien et Huguette Cordier. "Ça a été toute sa vie, dit encore Laurent Cordier en parlant de son père. Une semaine avant de mourir, il réparait encore des machines à coudre dans son atelier".