"Je n'en peux plus de dormir dehors" : des exilés à la rue devant l'hôtel de ville de Paris pour réclamer des hébergements
À peine posées, déjà enlevées. Ce jeudi à 13h30, les tentes n’ont pas longtemps résisté aux forces de l’ordre, déployées en nombre sur le parvis de l’hôtel de ville de Paris. Fournies par l’association Utopia 56, à l’intérieur se trouvent des familles avec de jeunes enfants et des bébés, sans domicile. Le but de l’opération de ce jour : "Donner de la visibilité aux migrants qui dorment dans la rue, et leur trouver une solution d’hébergement digne et pérenne", indique Pierre, militant de l’association.
Parmi les 250 personnes présentes, "des primo arrivants, des demandeurs et des déboutés du droit d’asile" qui même en travaillant, ne parviennent pas à se loger. "Alors que toute personne en détresse a le droit à un toit. C’est dans la loi. Malheureusement, elle ne s’applique pas à tout le monde", déplore Chrystel Chatoux, co-présidente d’Utopia 56.
Des actions similaires ont été menées ces derniers mois par l'association. En septembre, près de 1 200 personnes avaient été mises à l’abri après l’occupation du parc André-Citroën, dans le sud de Paris. Et en juillet, 600 migrants avaient investi la place des Vosges, là encore pour réclamer des places d’hébergement.
Cette fois, à l'issue du rassemblement devant l'hôtel de ville, "125 personnes vont pouvoir être mises à l'abri dans un gymnase du 19e arrondissement". Un soulagement pour les familles, mais "une solution temporaire, et donc non pérenne", regrette Chrystel Chatoux. Près de 100 personnes restaient sans abri en début de soirée, ce jeudi.
"Je ne supporte pas le froid"
Plus tôt dans l'après-midi, Vassadia, exilé ivoirien en France depuis 2010, espérait dormir cette nuit "au chaud". Malgré son emploi d’agent de propreté en entreprises et un titre de séjour, impossible pour lui, sa compagne, et Macani, leur fille de deux ans, de trouver un logement. "La petite a obtenu le statut de réfugiée, et nous, on ne sait pas encore. En attendant, on dort tous les trois dans le quartier de Bercy, sous une tente", explique-t-il.
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— Paudimodel Wed Mar 01 02:54:25 +0000 2017
À côté de lui, sa femme, Houleye, s’accroche à une poussette où pendent plusieurs sacs. A l’intérieur, "des vêtements pour Macani", et quelques couvertures. "Moi, je n’ai que ça", affirme la jeune femme née au Mali, en pointant du doigt un fin legging noir, une veste et des tongs, qu’elle porte aujourd’hui.
"Je n’en peux plus de dormir dehors, ça fait deux mois que ça dure. Je ne supporte pas le froid. Deux fois, j’ai fini par aller dormir dans la gare [de Bercy ndlr] avec ma fille, explique-t-elle en essuyant ses larmes. Souvent, j’appelle le 115, j’attends toute la journée une réponse. Et à 20h30 ils me disent qu’il n’y a pas de place pour nous. C’est toujours la même histoire".
Une déception quotidienne que partage Mariam, une Ivoirienne de 33 ans, arrivée en France il y a trois mois. Et presque autant à dormir dehors, à Bercy également. "Mes enfants [de 8 et 15 ans] vont commencer l’école le 8 novembre prochain, mais on n’a nulle part où aller. Pour les devoirs, comment on va faire ?". Dans la tente voisine, Sila, sa compatriote de 31 ans, dort dehors "toutes les nuits", seulement couverte par une veste en similicuir qu'une personne lui a donnée.
Une détermination intacte
À mesure que le temps passe, sur le parvis, la police procède à l’évacuation de plusieurs membres de l’association et des exilés, raccompagnés à la station de métro la plus proche. Le cordon sécuritaire se resserre autour du groupe. Mais Arda, venue avec ses deux enfants de 2 et 1 an, n’a pas l’intention de partir. Cette jeune Éthiopienne en a "assez de dormir dans des endroits différents presque chaque soir". "Les bons jours, on trouve refuge dans les églises".
Le père du petit Issa, 1 an, ne pensait pas, lui, que la vie en France serait "si difficile". Passé par les prisons libyennes et la Méditerranée centrale, le migrant ivoirien veut "juste une vie simple", et "de la stabilité". Sa demande d’asile – et son recours - rejetés, il passe la plupart de ses nuits dans une chambre prêtée par la paroisse de Passy, avec sa femme et son fils.
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Deux heures après le début de l’opération, il ne reste sur place qu’une soixante de personnes. Les tentes rouges, vertes, et bleues ont été chargées dans un camion banalisé garé à proximité. La tension du début est retombée, mais la détermination des exilées est intacte. Les slogans "enfants à la rue", "on veut maisons", et "on est fatigué" fusent, rythmés par le son des bouteilles en plastique qui s’entrechoquent. Les enfants jouent désormais ensemble et donnent à la scène un air de cour de récréation. Cheikh, 2 ans, sort de sa poche une petite voiture jaune et la fait rouler doucement sur le parvis. Sous l’œil attentif des forces de l’ordre.