Soldes 2022: face au "made in China", comment le Portugal a tiré son épingle du jeu
Au final, le pantalon en jean d’Asphalte coûte 100 euros au client. “S’il avait été produit en France, il serait à 140 ou 150 euros. Ou alors nous aurions dû baisser notre qualité pour vendre moins cher, ce qui n’était pas notre objectif. Nous avons également éliminé l’Asie pour des raisons de droit social. Avec l’Union européenne, les ouvriers sont beaucoup mieux protégés, on est sûrs qu’ils travaillent dans de bonnes conditions”, justifie-t-il. Aujourd’hui, 82% de sa production se situe dans le pays lusophone.
Un savoir-faire plébiscité par les marques françaises
“Leur savoir-faire est très bon notamment dans le jean, la maille ou la maroquinerie, ce qui en fait une destination avec un bon rapport qualité-prix”, confirme Simoné Eusebio, directeur de la communication chez Make My Lemonade, une marque créée en 2015 et dont près de la moitié des vêtements (42%) sont aussi confectionnés au Portugal.
Chrysoline de Gastines, cofondatrice de Balzac Paris qui produit plus de 85% de ses vêtements dans ce pays, met elle aussi en avant cette qualité “qui repose sur des entreprises familiales”. Elle insiste aussi sur l’avantage de travailler avec des collaborateurs qui peuvent parler français et avec qui la communication peut donc être plus fluide.
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— Julie R. Kukenberger, Ed. D. (she/her) Wed May 31 15:56:47 +0000 2017
Le Portugal a de son côté compris l’attrait qu’il suscitait, notamment auprès des marques qui se veulent plus éthiques, explique le site Marques de France. Quitte à donner sa chance à des enseignes qui n’en étaient qu’à leurs débuts. “Ce sont les premières usines à avoir accepté de travailler avec nous. Elles nous ont dit ‘allez on veut bien se lancer dans cette aventure’, même si on produit de petites quantités”, détaille Simoné Eusebio de Make My Lemonade. Un pari gagnant: la marque a connu une croissance de 146% en 2021.
“Le made in France n’est pas un gage de qualité”
Ce mouvement, initié “depuis 5 ou 10 ans, après le départ massif en Asie” estime William Hauvette, pourrait bientôt convaincre des grandes marques de se relocaliser au Portugal, ou plus largement en Europe. Auparavant eldorado de la fringue, la Chine se retrouve confrontée à des scandales à répétition, sommée de s’expliquer sur le travail forcé de la minorité Ouïghours.
La pandémie du Covid-19 a aussi eu un impact, assure Chrysoline de Gastines: “Au début, seule une petite partie des clientes qui venaient chez Balzac pour son engagement. Avec le Covid, les mentalités ont fait un pas de géant. Il y a eu une prise de conscience sur la signification de l’empreinte carbone et les sujets environnementaux en général” qui pourrait bouleverser les habitudes de consommation. Elle affirme même que l’achat est devenu un acte politique: “Aujourd’hui, la cliente met le prix dans un vêtement consciemment. En achetant, elle vote.”
Si le Portugal s’affirme comme le nouveau lieu de fabrication,le “made in France” peine en revanche à s’imposer, même auprès des marques qui se disent éthiques. Ce n’est pas faute d’avoir essayé pour Chrysoline de Gastines, qui raconte avoir été déçue après un premier essai avec des ateliers parisiens. “On s’est rendu compte que la fabrication française n’était pas si glorieuse que ce qu’en disait l’étiquette: les conditions de travail n’étaient pas idéales, les usines pas très pérennes... Nous avions à cœur de trouver une usine en Europe (...) Le Portugal s’est imposé, car il n’a pas eu de désindustrialisation là-bas contrairement à la France qui a perdu son savoir-faire”, défend l’entrepreneuse.
Un point de vue également partagé par Simoné Eusebio, de Make My Lemonade: “Le made in France n’est pas un gage de qualité. De plus, c’est trop cher à produire: quand on lance une marque avec un positionnement de prix qui n’est pas exorbitant comme c’est notre cas, on ne peut pas augmenter le prix de 100% d’un seul coup″.
Vers une réindustrialisation de la France?
Toutefois, toutes les marques interrogées n’ont pas complètement abandonné l’idée de développer leur production en France. Make My Lemonade a par exemple fabriqué des sacs banane à succès en France. “On a dû négocier plusieurs fois et promettre qu’il y aurait une production conséquente avant de réussir”, relate Simoné Eusebio avant d’ajouter: “Mais pour un lancer un produit, c’est trop compliqué.”