Le Kerala de Vimala Pons - Elle
Elle sait ironiser sur son enfance
« J'ai grandi à Tatayil, un village où mes parents appartenaient à une sorte de communauté – avec peut-être ce syndrome des Occidentaux qui partent en Inde pour donner sens à leur vie. Comme les petites locales, j'avais le crâne rasé, les yeux cernés de khôl, des clochettes aux pieds. Quand je vois les photos, je me dis que tout ça ne m'allait pas du tout : j'avais l'air d'un bébé junkie ! Mon prénom, lui, vient du sanskrit. Il est très démodé, au point qu'un jour, dans une épicerie indienne à Paris, le tenancier le lisant sur ma carte bleue s'est écroulé de rire : “C'est un prénom de mamie que vous portez !“ »
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Elle aime laisser les sons l'envahir
« J'adorais être bercée par la rumeur de la rue : les klaxons incessants, le crissement des insectes, et puis tous ces sons religieux qui, au Kerala, se tuilent harmonieusement : il y avait l'appel du muezzin, les cloches des églises, les prières bouddhistes, les processions sikhs, la musique des temples hindous diffusée par d'énormes enceintes… Aujourd'hui encore, je ne trouve aucun apaisement dans le silence et la concentration. J'aime au contraire tout superposer : passer un vinyle en regardant un film ; écouter un podcast tout en lisant trois livres à la fois. »
Elle baragouine le malayalam
« C'est la langue du Kerala, la première que j'ai parlée : hyper belle, hyper complexe dans son alphabet et sa prononciation. Quand tu la parles, quelque chose de tonique se passe dans ta bouche et sur ta langue. Dommage que je ne l'aie pas entretenue : “J'ai faim“, “j'ai soif“, “hôpital“, voilà tout ce que je sais dire aujourd'hui. Mais je remarque que lorsque je parle anglais il me reste un accent d'Inde du Sud. »
Elle fait corps avec la nature
« Tatayil, c'était un éden aux couleurs incroyables, entre rizières et forêts, avec des serpents, de grosses araignées, des chèvres avec qui je traînais tout le temps, des plantes carnivores qui se rétractaient quand tu les touchais – j'ai un système immunitaire super balaise à force d'avoir tripoté tout ça ! De “La loi de la jungle“, d'Antonin Peretjatko, aux “Garçons sauvages“, de Bertrand Mandico, je constate d'ailleurs qu'il y a beaucoup de nature luxuriante dans ma filmo… »
Elle se nourrit des contraires
« J'ai grandi avec des codes sociaux contradictoires. Pour dire “oui“, en Inde, on balance la tête au lieu de la hocher. On peut montrer son ventre, comme le sari l'autorise, mais pas ses chevilles. Cracher par terre est un signe de propreté, si bien que plus tard, en France, je me faisais coller par la maîtresse à cause de cela – j'avais vraiment des côtés “Un Indien dans la ville“. C'est déstabilisant de savoir qu'une chose est vraie ici et fausse là-bas. Mais c'est équilibrant aussi d'avoir plusieurs vérités comme ancrages. On est plus encline au doute, à la remise en question… »
« COMMENT JE SUIS DEVENU SUPER-HÉROS », de Douglas Attal. Avec aussi Pio Marmaï, Leïla Bekhti, Swann Arlaud… Sur Netflix.
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SA TENUE D'ÉTÉ « À POIL. LE PLUS POSSIBLE. »
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