Euro féminin de volley : « un vrai test » pour une équipe de France en construction
C’était le tube de l’été. Handballeurs, handballeuses et volleyeurs en or, basketteurs en argent et basketteuses en bronze : les équipes de France de « BHV » ont brillé lors des Jeux olympiques (JO) de Tokyo. Il ne manquait que les volleyeuses pour parfaire cette cuvée cinq étoiles.
Mais ces dernières n’évoluent pas dans la même catégorie que leurs homologues des sports en salle. Classées au 33e rang mondial, les Bleues n’existent pas dans les compétitions internationales. Leur dernier résultat est une 21e place (sur 24) lors du championnat d’Europe 2019. Autant dire que les Françaises sont loin de figurer parmi les favorites de l’édition 2021, qui a débuté mercredi 18 août (en Serbie, Bulgarie, Croatie et Roumanie) et qu’elles entameront par un match contre la Russie, vendredi (à 20 heures).
Ce manque de compétitivité des Bleues s’explique par de nombreux facteurs. A commencer par le manque de moyens. « La fédération compte deux disciplines olympiques, le volley indoor [en salle] et le beach-volley, avec des investissements à faire », détaille Axelle Guiguet, directrice technique nationale (DTN) :
« Historiquement, le volley féminin a toujours pâti des arbitrages : pendant plus de trente ans, seulement un quart du budget du volley en salle allait aux filles. »
A l’échelle de la sélection nationale, « cela empêchait de faire de longs stages, continue Axelle Guiguet. Les filles n’avaient que dix jours pour préparer une grande compétition, on ne pouvait pas attendre de miracles. »
Le gabarit, un problème de taille
Nommé à la tête de l’équipe nationale en 2018, Emile Rousseaux a pris conscience du chantier qui l’attendait. Avant son arrivée, le sélectionneur d’origine belge a effectué un audit. Il se rappelle : « J’ai été déçu de ce que j’ai vu. Il faut être prudent, car je ne veux pas décourager ceux qui font bien leur travail, mais, globalement, le travail au niveau de la détection est insuffisant. »
La dimension physique cristallise les attentions. « Il y a un vrai problème : les joueuses de grande taille ne vont pas vers le volley », explique Hubert Henno, ancien international français et consultant pour France Télévisions pendant les Jeux olympiques.
Ce que confirme Emile Rousseaux : « Les filles de grande taille vont plus naturellement vers le basket », relève le sélectionneur, selon qui « la détection arrive trop tard par rapport aux autres sports ». « On a une surabondance sur la tranche d’âge 18-22 ans, alors que les autres nations commencent sur le secteur 5-12 ans », développe-t-il.
En 2019, 67 000 femmes étaient licenciées dans des clubs de volley, soit près de trois fois moins que le basket et le handball (180 000 chacun).
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La France abrite neuf pôles pour former les futures volleyeuses de haut niveau. « Dans certains pôles, 80 % des filles mesurent moins de 1,70 m », se désole le sélectionneur. La taille moyenne des Françaises qui vont disputer l’Euro est de 1,80 m. Soit 8 centimètres de moins que les Russes. « Dans un sport de taille comme le volley, c’est forcément rédhibitoire », renchérit Hubert Henno, désormais entraîneur du club masculin de Nantes.
« La qualité et la quantité de joueuses sont limitées »
Axelle Guiguet a conscience du problème. « J’ai demandé aux cadres techniques de s’investir dans la détection de gabarits. On essaie de collaborer avec les écoles et les collèges. » Une mission ralentie par l’épidémie de Covid-19, qui a fait perdre 30 % de licenciés au volley en 2020-2021.
Dans ce contexte, les clubs de Ligue A, la première division nationale, misent avant tout sur des joueuses étrangères. Le règlement les oblige néanmoins à aligner au moins une Française. « Sur les douze premiers matchs du dernier championnat, 22 % seulement des titulaires étaient françaises, rappelle Emile Rousseaux. Cela représente vingt-cinq joueuses en tout, dont 40 % évoluaient au poste de libéro ! »
Se distinguant de ses coéquipières par un maillot d’une autre couleur, la libéro a essentiellement un rôle défensif et ne monte pas au filet. Il s’agit donc d’un poste où le critère de la taille est moins important. Mais une équipe ne compte qu’une seule libéro…
« Une joueuse française a très peu de chances de performer chez nous, ajoute Fabien Simondet, entraîneur de l’équipe féminine de Béziers, deuxième du dernier championnat. Je serais heureux d’avoir plus de Françaises dans mon effectif, mais la qualité et la quantité de joueuses sont limitées. »
France Avenir 2024, une solution ?
Parmi les initiatives mises en place, l’équipe du pôle France féminin a intégré la Ligue A en 2018. Baptisée « France Avenir 2024 », elle est composée de joueuses de niveau junior (moins de 20 ans). Celles-ci peuvent ainsi se confronter au haut niveau. « C’est une bonne idée à la base, mais elles ne gagnent quasiment pas de matchs », tempère Fabien Simondet.
En trois ans dans l’élite, France Avenir 2024 n’a remporté que deux rencontres. « Ce qui me dérange, c’est qu’il y a une certaine culture de la défaite, poursuit le technicien biterrois. C’est compliqué pour les joueuses de prendre 3-0 tous les week-ends. »
Dans ce travail de long terme, Axelle Guiguet préfère retenir le positif. « L’équipe de France junior a atteint les demi-finales de l’Euro en 2020, avec une équipe type qui sort du pôle France Avenir 2024 », souligne-t-elle. Les jeunes Françaises n’avaient plus atteint ce rang depuis 1996.
De quoi être optimiste dans l’optique des JO de Paris dans trois ans, où les Bleues seront présentes pour la première fois (au titre de pays organisateur) ? « L’équipe de France commence à performer contre des équipes autrefois injouables. Mais l’Euro va être un vrai test », convient Hubert Henno. Et Axelle Guiguet de conclure : « J’aurais préféré que les Jeux soient en 2028 pour les femmes ! »
L’équipe de France féminine de volley, 33e nation au classement mondial, a hérité d’une poule relevée à l’Euro. Les Françaises vont jouer contre trois des meilleures sélections européennes : la Russie (5e mondiale), la Serbie (6e), qui évolue à domicile, et la Belgique (11e). La Bosnie-Herzégovine, 35e, et l’Azerbaïdjan, 42e, semblent sur le papier plus abordables.
« On a une équipe très jeune, mais on ne vient pas en touristes », indique le sélectionneur Emile Rousseaux. Axelle Guiguet, directrice technique nationale a fixé l’objectif : « On veut sortir de la poule. Malgré le tirage au sort, on maintient le cap. » Les quatre équipes les mieux classées participeront aux huitièmes de finale. Premier rendez-vous vendredi 20 août pour les Bleues, face aux Russes (à 21 heures)
Elio Bono
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