En Turquie, la crise économique plonge les classes moyennes dans la détresse
Naciye n’a pas pleuré en racontant qu’elle avait dû couper le chauffage et que ses enfants s’étaient plaints du froid. Elle n’a pas pleuré, non plus, lorsqu’elle s’est souvenue du temps d’avant – quand elle pouvait partir, en famille, s’offrir un bout de soleil sur la côte égéenne. Ni en évoquant les trois dents qu’elle ne peut plus soigner, et qui font de chacun de ses repas une souffrance. Mais au souvenir de cette jeune mère et de son nouveau-né qu’elle a vu grelotter de froid dans le métro, vêtus d’habits légers quand le mercure avoisinait les températures négatives, Naciye fond en larmes. «Le bébé était presque bleu. Sa mère m’a dit qu’elle n’avait plus d’argent pour quoi que ce soit. Je lui ai donné mon écharpe, c’est tout ce que j’ai pu faire.»
«La viande est devenue un luxe»
Comme des millions de personnes en Turquie, Naciye a vu son existence s’obscurcir à mesure que le pays s’enlisait dans une crise économique sans précédent. Employée dans un syndicat pour 3800 livres turques par mois (241 euros), la mère de 44 ans se bat avec un crédit immobilier de 7500 livres turques, que le salaire de son mari (6000 livres turques) peine à rembourser. La crise économique, latente depuis 2018, s’est accélérée depuis le mois de septembre, alors que la monnaie turque a perdu 45 % de sa valeur face au dollar en un an. Le pouvoir d’achat des Turcs décroît de jour en jour, tandis qu’une préoccupation nouvelle gangrène les esprits : la faim. Selon un rapport daté de novembre 2021 du World Food Program, 26,8 % …