Les (dures) leçons de Louis Garneau | LesAffaires.com
(Photo: courtoisie)
DES LEADERS ET DES MOTS. Louis Garneau a failli perdre coup sur coup sa santé, son entreprise et sa bonne relation avec ses enfants. Celui dont la PME s’est placée à l’abri de ses créanciers en mars 2020 avant de repartir sur des bases plus solides s’est ouvert sur ses déboires dans le livre « Je suis tombé deux fois ». Dans un élan de candeur qu’on voit rarement chez des chefs d’entreprise, l’homme de 63 ans offre les leçons qu’il a tirées de sa vie d’athlète olympique et d’entrepreneur à la tête de Louis Garneau Sports, qui vend des vélos ainsi que de l’équipement et des vêtements de sport. Voici quelques-uns de ses meilleurs conseils récoltés par Les Affaires.
1. Ne pas cacher sa détresse psychologique
Louis Garneau a été victime de surmenage durant la période qui a coïncidé avec les problèmes de son entreprise. Au bout du rouleau, il a reçu son diagnostic en 2017 de son médecin. « J’ai commencé à avoir des idées noires. J’étais en proie à des sensations étranges, douloureuses, écrasantes, paralysantes. J’avais l’impression de me noyer. […] Je n’avais qu’une idée en tête, avant même celle de guérir : trouver un moyen de le dissimuler. […] C’est ainsi que j’ai transformé cet épuisement en trouble de la glande thyroïde […]. J’ai menti à ma fidèle adjointe et à tous mes directeurs. L’après-midi, je quittais mon bureau pendant une heure ou deux pour aller me reposer à la maison et je déplorais les soubresauts de ma maudite thyroïde quand on me posait des questions sur ma santé. » C’est une grave chute de vélo en juillet 2018 qui l’a forcé à affronter la réalité pour guérir.
2. Bien préparer sa relève
L’ancien Olympien a regretté d’avoir promu trop rapidement son fils William à la direction générale de l’entreprise en 2017, ce qui a causé de nombreux conflits entre eux. Il reconnaît que cette transition avait été mal préparée et qu’elle s’est faite à un mauvais moment. « Je venais de le jeter dans la fosse aux lions de l’entreprise, sans même en avoir conscience. Est-ce une bonne idée de confier les commandes d’une entreprise en difficulté à un jeune homme de 27 ans encore peu entraîné aux affaires ? […] Précipiter la relève dans un contexte de crise s’est révélée une erreur qui a eu de lourdes répercussions sur ma relation avec mes enfants, en particulier avec mon aîné. J’espère que le temps apaisera les souffrances et mettra fin au silence qui nous sépare. Préparer une relève se planifie sur plusieurs années, le temps que l’expérience s’unisse au talent. J’ai pris le virage trop rapidement et j’ai fait chuter le peloton familial. »
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— bestie josephine Fri Jul 08 00:44:41 +0000 2016
3. Savoir bien s’entourer
Louis Garneau admet que son équipe de direction n’avait pas assez d’expérience et était trop divisée pour faire face à la crise qui a frappé son entreprise durant la deuxième moitié de la dernière décade. « Je n’ai pas su faire grandir des leaders autour de moi et je me suis retrouvé trop seul quand la maladie et les ennuis financiers ont frappé. Je me suis senti démuni et j’ai fait de mauvais choix. Je m’en suis remis trop longtemps à des personnes qui ne possédaient pas suffisamment de compétences pour redresser une entreprise. Si j’avais fait appel à des spécialistes un an plus tôt, je n’aurais pas eu à placer l’entreprise à l’abri de ses créanciers. […] Peut-être que, inconsciemment, je n’avais pas la maturité pour accepter de grandes pointures à mes côtés. Je voulais mettre mes mains un peu partout… Mais ce qui a brisé l’entreprise, c’est la toxicité à l’intérieur du comité de direction. »
4. Limiter le recours à des consultants
Louis Garneau fait preuve d’aigreur lorsqu’il parle de deux consultants qui ont pris du galon à partir de 2017, à l’arrivée de son fils à la direction générale de la PME. « Les consultants avaient pris vraiment trop de place chez Louis Garneau Sports et avaient coûté de précieux dollars qui, pour moi, avaient été mal investis. Par-dessus tout, la cerise sur le gâteau, ils avaient noué des liens quasiment familiaux avec mon garçon. Même chose pour un des employés de la firme en communication et marketing, devenu un ami proche de mon fils. Tout se confondait : notre famille et notre entreprise, mais aussi les consultants et leurs rôles. »
« Quand j’étais malade, ma petite voix me disait que leur façon d’agir était aberrante, mais eux me répétaient constamment que ma vision des choses était insensée. Alors, j’étais complètement déboussolé. Après les avoir remerciés, j’ai également coupé les ponts avec la firme de communication et de marketing pour laquelle nous avions dépensé beaucoup trop d’argent. Bon débarras ! »
5. Prioriser son produit et l’innovation
Louis Garneau reconnaît que sa PME s’est endormie sur lauriers vers 2010, alors que l’argent coulait à flots. Le virage numérique a trop tardé, tout comme le développement de nouveaux produits.
« Selon moi, le produit est roi. Tout le reste dans une entreprise n’est qu’un soutien à celui-ci : les finances, les communications, les ressources humaines. Une grande rigueur autour du produit est également essentielle : dans la vision, dans les stratégies et dans leur exécution. À partir de 2015, Louis Garneau Sports démontrait des lacunes sur tous ces plans. Nous avions développé une pensée magique selon laquelle tout allait se replacer naturellement. Ce fut notre erreur. Il faut gérer ! »
« Louis Garneau Sports, je le pense encore aujourd’hui, éprouvait des problèmes organi-sationnels qui n’avaient rien à voir avec son image de marque. Mon entreprise avait trop de stocks en entrepôt et trop de personnel; elle gérait mal son développement de produits, ses coûts d’exploitation, ses finances et ses relations humaines. Mon entreprise était porteuse de la bactérie mangeuse de chair et le marketing allait appliquer du maquillage pour cacher les tissus nécrosés. »
6. Hausser ses prix
« Ne faites pas, comme nous, l’erreur de geler les prix de vos produits pendant des années. Pourquoi, diable, accepteriez-vous de payer davantage pour les salaires, les matières pre¬mières, le chauffage et tout le reste sans oser ajuster le prix de ce que vous fabriquez ? C’est une peur injustifiée qui mène à de mauvais choix et, ultimement, à des répercussions sur votre santé financière. »
« Je suis tombé deux fois », écrit par Valérie Lesage, est publié aux Éditions de l’Homme.
Louis Garneau a failli perdre coup sur coup sa santé, son entreprise et sa bonne relation avec ses enfants. Celui dont la PME s’est placée à l’abri de ses créanciers en mars 2020 avant de repartir sur des bases plus solides s’est ouvert sur ses déboires dans le livre « Je suis tombé deux fois ». Dans un élan de candeur qu’on voit rarement chez des chefs d’entreprise, l’homme de 63 ans offre les leçons qu’il a tirées de sa vie d’athlète olympique et d’entrepreneur à la tête de Louis Garneau Sports, qui vend des vélos ainsi que de l’équipement et des vêtements de sport. Voici quelques-uns de ses meilleurs conseils récoltés par « Les Affaires ».1. Ne pas cacher sa détresse psychologiqueLouis Garneau a été victime de surmenage durant la période qui a coïncidé avec les problèmes de son entreprise. Au bout du rouleau, il a reçu son diagnostic en 2017 de son médecin. « J’ai commencé à avoir des idées noires. J’étais en proie à des sensations étranges, douloureuses, écrasantes, paralysantes. J’avais l’impression de me noyer. […] Je n’avais qu’une idée en tête, avant même celle de guérir : trouver un moyen de le dissimuler. […] C’est ainsi que j’ai transformé cet épuisement en trouble de la glande thyroïde […]. J’ai menti à ma fidèle adjointe et à tous mes directeurs. L’après-midi, je quittais mon bureau pendant une heure ou deux pour aller me reposer à la maison et je déplorais les soubresauts de ma maudite thyroïde quand on me posait des questions sur ma santé. » C’est une grave chute de vélo en juillet 2018 qui l’a forcé à affronter la réalité pour guérir.2. Bien préparer sa relèveL’ancien Olympien a regretté d’avoir promu trop rapidement son fils William à la direction générale de l’entreprise en 2017, ce qui a causé de nombreux conflits entre eux. Il reconnaît que cette transition avait été mal préparée et qu’elle s’est faite à un mauvais moment. « Je venais de le jeter dans la fosse aux lions de l’entreprise, sans même en avoir conscience. Est-ce une bonne idée de confier les commandes d’une entreprise en difficulté à un jeune homme de 27 ans encore peu entraîné aux affaires ? […] Précipiter la relève dans un contexte de crise s’est révélée une erreur qui a eu de lourdes répercussions sur ma relation avec mes enfants, en particulier avec mon aîné. J’espère que le temps apaisera les souffrances et mettra fin au silence qui nous sépare. Préparer une relève se planifie sur plusieurs années, le temps que l’expérience s’unisse au talent. J’ai pris le virage trop rapidement et j’ai fait chuter le peloton familial. »3. Savoir bien s’entourerLouis Garneau admet que son équipe de direction n’avait pas assez d’expérience et était trop divisée pour faire face à la crise qui a frappé son entreprise durant la deuxième moitié de la dernière décade. « Je n’ai pas su faire grandir des leaders autour de moi et je me suis retrouvé trop seul quand la maladie et les ennuis financiers ont frappé. Je me suis senti démuni et j’ai fait de mauvais choix. Je m’en suis remis trop longtemps à des personnes qui ne possédaient pas suffisamment de compétences pour redresser une entreprise. Si j’avais fait appel à des spécialistes un an plus tôt, je n’aurais pas eu à placer l’entreprise à l’abri de ses créanciers. […] Peut-être que, inconsciemment, je n’avais pas la maturité pour accepter de grandes pointures à mes côtés. Je voulais mettre mes mains un peu partout… Mais ce qui a brisé l’entreprise, c’est la toxicité à l’intérieur du comité de direction. »4. Limiter le recours à des consultantsLouis Garneau fait preuve d’aigreur lorsqu’il parle de deux consultants qui ont pris du galon à partir de 2017, à l’arrivée de son fils à la direction générale de la PME. « Les consultants avaient pris vraiment trop de place chez Louis Garneau Sports et avaient coûté de précieux dollars qui, pour moi, avaient été mal investis. Par-dessus tout, la cerise sur le gâteau, ils avaient noué des liens quasiment familiaux avec mon garçon. Même chose pour un des employés de la firme en communication et marketing, devenu un ami proche de mon fils. Tout se confondait : notre famille et notre entreprise, mais aussi les consultants et leurs rôles. »« Quand j’étais malade, ma petite voix me disait que leur façon d’agir était aberrante, mais eux me répétaient constamment que ma vision des choses était insensée. Alors, j’étais complètement déboussolé. Après les avoir remerciés, j’ai également coupé les ponts avec la firme de communication et de marketing pour laquelle nous avions dépensé beaucoup trop d’argent. Bon débarras ! »5. Prioriser son produit et l’innovationLouis Garneau reconnaît que sa PME s’est endormie sur lauriers vers 2010, alors que l’argent coulait à flots. Le virage numérique a trop tardé, tout comme le développement de nouveaux produits.« Selon moi, le produit est roi. Tout le reste dans une entreprise n’est qu’un soutien à celui-ci : les finances, les communications, les ressources humaines. Une grande rigueur autour du produit est également essentielle : dans la vision, dans les stratégies et dans leur exécution. À partir de 2015, Louis Garneau Sports démontrait des lacunes sur tous ces plans. Nous avions développé une pensée magique selon laquelle tout allait se replacer naturellement. Ce fut notre erreur. Il faut gérer ! »« Louis Garneau Sports, je le pense encore aujourd’hui, éprouvait des problèmes organi-sationnels qui n’avaient rien à voir avec son image de marque. Mon entreprise avait trop de stocks en entrepôt et trop de personnel; elle gérait mal son développement de produits, ses coûts d’exploitation, ses finances et ses relations humaines. Mon entreprise était porteuse de la bactérie mangeuse de chair et le marketing allait appliquer du maquillage pour cacher les tissus nécrosés. »6. Hausser ses prix« Ne faites pas, comme nous, l’erreur de geler les prix de vos produits pendant des années. Pourquoi, diable, accepteriez-vous de payer davantage pour les salaires, les matières pre¬mières, le chauffage et tout le reste sans oser ajuster le prix de ce que vous fabriquez ? C’est une peur injustifiée qui mène à de mauvais choix et, ultimement, à des répercussions sur votre santé financière. »