Natasha St-Pier : "Je viens de passer l’année la plus dure de ma vie"
Paris Match. A cinq mois de grossesse, vous avez appris que votre enfant était atteint d’une maladie cardiaque, quelle a été votre réaction ?Natasha St-Pier. Je ne me suis pas inquiétée tant que ça. En fait, j’ai une cousine qui a une malformation cardiaque et qui vit très bien, donc je n’ai pas vraiment réalisé. Mais quand le médecin m’a annoncé que mon enfant avait une tétralogie de Fallot, il a ajouté que cela s’accompagnait parfois d’une maladie chromosomique. C’est ce qui m’a fait le plus peur. Et puis, il y a eu des moments de doute. Juste après l’annonce de la maladie, je partais au Canada pour une promo et j’ai passé une journée complète à répondre aux journalistes. Comme j’étais enceinte, et que ça se voyait, tout le monde me demandait : «Alors c’est une fille ou un garçon ?» Je répondais que cela n’avait pas d’importance pour moi. Tous me disaient : «Tant qu’il a la santé, tout est beau !» C’était dur, parce que je savais déjà que mon bébé n’avait pas la santé. Alors j’ai eu une réaction bizarre, j’ai appelé mon mari et je lui ai dit qu’il fallait absolument qu’on décide de son prénom. Parce que cela voulait dire qu’il existait. On s’est mis d’accord sur Bixente, ce soir-là. C’était obligatoire.
Pendant les quatre derniers mois de grossesse, comment vous êtes vous préparée à l’accouchement ?A sept mois de grossesse, j’ai su qu’il n’y avait pas de problème chromosomique, j’étais presque soulagée. J’étais suivie et comme sa cardiopathie a été diagnostiquée «in utero», je savais que j’accoucherai à l’hôpital Necker, que mon bébé serait immédiatement pris en charge. La seule question, c’était de savoir si je pourrais le prendre dans mes bras, au moment de l’accouchement.
Finalement, vous avez pu le prendre dans vos bras ?L’accouchement s’est très bien passé, j’ai pu le prendre dans mes bras les premières minutes, puis le médecin Fanny Bajolle l’a emmené pour lui faire une échographie. On a été chanceux, on a pu rentrer à la maison avec Bixente. Il n’a pas été opéré dès la naissance, pour qu’il grossisse avant l’opération à cœur ouvert.
Bixente a donc été opéré à 4 mois. Exactement. La veille de l’opération, on est arrivé à l’hôpital Necker avec mon mari et je suis restée seule avec Bixente pour la nuit. Mon mari est reparti avec toute ses affaires, sa poussette, ses vêtements. C’est cette nuit-là qui a été pour moi la plus délicate. Parce que c’était peut-être la dernière avec mon bébé. Parce que l’opération comporte des risques. Je n’ai pas dormi de la nuit évidemment, et je pensais que je n’avais même pas de manteau pour Bixente, pour le ramener à la maison le lendemain de l’opération. Au matin, avec mon mari, on est allé le déposer jusqu’à l’entrée du bloc et on l’a laissé dans les bras d’une infirmière. L’opération a duré quatre heures. Les médecins nous avaient dit de ne pas rester à l’hôpital, où le temps passe plus lentement. Alors on est rentré chez nous – on habitait encore à Paris – mais on ne pouvait pas rester dans le salon à attendre. Alors on a fait un truc très bête, mais qui nous a occupé : mon mari avait besoin d’une nouvelle batterie pour son scooter, on est allé l’acheter. Mais j’attendais impatiemment le coup de fil de la secrétaire du chirurgien. Elle nous a donné rendez-vous à 13 heures à l’hôpital. Le chirurgien nous a expliqué que tout s’était bien passé et j’ai pu aller voir mon fils, en réanimation. Il était plongé dans un coma artificiel, pendant 12 heures, pour ne pas sentir la douleur. Bixente est un petit-bonhomme très fort et il s’est remis rapidement. On a eu de la chance.
Depuis, vous avez retrouvé une vie normale ?Pendant les quatre premiers mois de sa vie, je pensais que j’étais une maman normale, je pensais qu’on avait une vie normale. On lui donnait le bain, on allait se promener, on prenait des photos, qu’on envoyait à la famille et aux amis. On était convaincus de vivre normalement. Mais deux jours après l’opération, il gazouillait dans la chambre d’hôpital et on s’est dit: «tu sais quoi, il n’a pas de jouets». Inconsciemment, on ne lui avait jamais acheté de jouets, parce qu’on ne savait pas si il allait vivre ou pas. En fait, on vivait entre parenthèses, en se disant «peut-être qu’on nous a offert quatre mois avec un bébé, profitons-en, peut-être qu’il va disparaître après». Aujourd’hui, même s’il a été malade, cela ne le définit pas. S’il fait des bêtises, il sera puni, même si je suis une maman poule. Je pensais que je serais une mère stricte, mais non. On m’avait toujours dit : «tu verras, être parent ça change tout». Je n’y croyais pas trop, mais effectivement, cela a totalement changé ma vision de la vie.
Aujourd’hui, Bixente est guéri ?Il est considéré «cure complète», c’est ce que le médecin a écrit sur son bilan de santé. On fait partie des parents chanceux. Aujourd’hui c’est un petit garçon normal, il peut faire du sport, il peut tout faire. Il a juste une visite avec le cardiologue tous les ans. Mais il n’y a pas de raison qu’il ait un problème cardiaque, pas plus que moi ou que n’importe qui.
On imagine le soulagement.Je viens de passer peut-être l’année la plus dure de ma vie. Mais on ne se rend pas compte à quel point on est fort, tant qu’on n’est pas confronté aux épreuves. On a traversé tout ça … bien, en fait. A chaque nouvelle épreuve, on a fait face.
Depuis la naissance de votre fils, vous avez raconté votre parcours, l’hôpital, les opérations sur les réseaux sociaux. Pourquoi ?A cause de la solitude à l’hôpital. Quand on a une bonne nouvelle, par pudeur, on n’ose pas le dire aux autres parents dans le service, parce qu’on ne sait pas quelle épreuve ils sont en train de traverser. Et quand on a une mauvaise nouvelle, on pleure tout seul et on a l’impression que tout va bien pour eux. J’ai voulu montrer qu’on n’est pas seul : «Vous voyez, je suis chanteuse mais il se passe exactement la même chose pour moi.» Et c’est ce que je veux montrer avec l’association «Petit Cœur de Beurre» .
Un enfant sur 100 nait avec une cardiopathie
En effet, depuis, vous êtes la marraine de «Petit Cœur de Beurre». En fait, j’ai rencontré le professeur Damien Bonnet à l’hôpital Necker, qui est le président de l’ARCFA (Association pour la recherche en cardiologie du fœtus à l’adulte), créée par les médecins pour la recherche. Il m’a parlé de «Petit Cœur de Beurre», qui est une association pour les familles d’enfants atteints de cardiopathie. Le but, c’est d’améliorer la qualité de vie de ces enfants quand ils sont à l’hôpital, mais aussi de leurs parents, pour tous les petits détails auxquels on ne pense pas mais qui sont importants. Comme les chambres mère-enfant, par exemple, il n’y en a pas aux soins intensifs. On souhaite également améliorer la qualité de vie des soignants, parce que quand les infirmières sont biens, elles sont encore meilleures pour nos enfants. On a par exemple refait la salle de repos des soins intensifs qui était très vieille.
Quelles sont les actions de «Petit Cœur de Beurre» ?«Petit Cœur de Beurre» et l’ARCFA agissent ensemble, pour faire le lien entre les familles et l’hôpital. On a par exemple créé un petit livre pour les parents quand ils arrivent à Necker. On organise des soirées caritatives pour récolter des dons, qui sont nécessaires pour la recherche, pour diagnostiquer ces malformations cardiaques le plus tôt possible, même «in utero» comme cela a été le cas pour moi, mais aussi pour éradiquer certaines pathologies. Il y a une statistique atroce : un enfant sur 100 nait avec une cardiopathie. C’est énorme. Pour donner un exemple, il y a beaucoup plus de personnes atteintes d’une maladie cardiaque que de la mucoviscidose. Mais la cardiopathie, dans la plupart des cas, est curable – et c’est tant mieux – le problème, c’est qu’il n’y a pas assez d’argent pour la recherche. C’est horrible à dire, mais il n’y a pas assez de morts, donc pas assez de dons.
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