Faut-il laisser son enfant choisir seul ses vêtements ?
«Si je laissais ma fille de 4 ans choisir seule sa tenue le matin, elle partirait tous les jours avec des chaussures à talons et une jupe à paillettes», s'amuse Marie, mère de 34 ans. Nombreux sont les parents à se retrouver dans des situations critiques au moment de l'habillement de leurs enfants surtout lorsqu'ils sont petits. Et que l'heure tourne. Reste alors à choisir s'il faut mener un bras de fer quotidien ou laisser couler au risque de voir son enfant sacrifier toutes les règles de l'élégance. «L'envie de prendre la décision soi-même doit être vue comme quelque chose de positif. Cela relève de l'ordre de l'automatisation et donc c'est bien pour l'enfant», estime Guillemette Faure, journaliste et auteure du livre Le meilleur pour mon enfant.
Mais si cette volonté doit être encouragée, qu'en est-il lorsque nos suggestions vestimentaires raisonnables essuient un «non» systématique ? «Il faut déjà faire la distinction entre le rejet d'un vêtement pour une raison qui peut relever du confort (un pull qui gratte) ou du pratique (par exemple pour jouer avec ses copains) et le «non» qu'il va formuler par simple esprit de contradiction», explique le pédopsychiatre Stéphane Clerget.
L'âge de raison ou de la contestation ?
Selon le spécialiste, c'est souvent vers 2 ans, pour les plus précoces, que les débats apparaissent au moment de choisir les vêtements du jour. «Mais on parle vraiment de conflit vers 3-4 ans.» Il faut alors essayer de comprendre ce que ces contestations traduisent. L'enfant veut-il par exemple montrer un cadeau qu'on vient de lui offrir et dont il est très fier ? «Vers 5 ou 6 ans, il y a une réflexion plus poussée et il est alors intéressant de comprendre pourquoi par exemple une fille veut porter telle robe et pas une autre.»
La discussion semble donc primordiale, surtout si l'on a besoin de rationaliser les choix de l'enfant. «Il faut lui expliquer qu'il y a des limites : la température extérieure par exemple. Parce que l'on est responsable de sa santé, il ne peut pas sortir en tee-shirt s'il pleut ou en plein hiver.» Les règles d'hygiène peuvent également venir à notre secours quand il veut dormir avec ses chaussures préférées... et très sales. Pour impliquer les petits en tenant compte de ces paramètres, la journaliste et chroniqueuse conseille de les laisser «regarder eux-mêmes la météo et de définir des règles en famille. Par exemple, en dessous de 17°, on met des collants avec une jupe. Ou on évite les chaussures à lacets les jours de sport pour faciliter le changement de tenue.»
Pour le pédopsychiatre, il faut également tenir compte des conventions, de la conformité vestimentaire liée à un lieu comme l'école. Il devient alors plus facile de dire non à un déguisement qui doit rester dans le domaine du jeu et donc de la maison ou du week-end. «Le rangement peut aussi aider à cadrer : on peut mettre dans une caisse tout ce qui relève du déguisement ou des tenues autorisées pour la maison comme les chaussures à talon plutôt que dans l'armoire où se trouve tous les habits du quotidien», explique Guillemette Faure, elle-même mère d'une petite fille.
Attention cependant à ceux qui seraient trop stricts car, comme le souligne le pédopsychiatre : «L'essentiel est d'écouter, de conseiller mais il ne faut pas non plus être psychorigide : pas besoin de se braquer par exemple sur le choix d'une couleur.» Quitte à, parfois, renoncer aux conventions fashion qui n'ont finalement pas tant d'importance. «Notre rôle de parents n'est pas forcément d'avoir un enfant bien habillé mais de l'aider à être autonome», estime la journaliste.
La tentation des licences
Nombreux sont également les parents à se lamenter devant l'obsession de leur enfant pour un personnage de licences conçues pour les séduire. Cars, La Reine des neiges, My Little Poney ou encore Star Wars, les tentations sont nombreuses dans les magasins dédiés à l'habillement. «On peut dire non au total look mais céder sur une pièce comme un tee-shirt, des chaussettes ou un pyjama. En revanche, si cela devient obsessionnel, il devient important de s'interroger sur le pourquoi de cette obsession.» Pour Stéphane Clerget, il n'y a pas non plus de conséquence dramatique pour les parents qui souhaitent rester fidèles à leur conviction et ne pas tomber dans le «commercial» s'ils expliquent bien les raisons de leur refus. Si Guillemette Faure est également d'accord avec le système des alternatives, elle dispense une astuce pour les parents qui ont été contraints à céder à l'appel du tee-shirt Flash McQueen ou de la jupe Elsa : «Si on doit céder, on peut toujours les cacher sous la pile de dessous par la suite !»
La question du shopping
Pour certains parents, la question peut se régler plus facilement : il suffit de ne pas acheter les vêtements avec son enfant pour ne pas avoir à faire face à des demandes déraisonnables. Alors faut-il les tenir à l'écart des séances shopping ou au contraire les associer, à nos risques et périls ? «Tout dépend de la patience et du temps que l'on a. Cela peut être un acte éducatif mais il faut bien cadrer ce moment», explique le médecin. «On peut dire à son enfant : "ton avis m'intéresse mais tu n'es pas décisionnaire. Ce sera papa ou maman qui aura le dernier mot." Tout cela, bien sûr, en argumentant et pourquoi pas, même, en leur parlant d'argent et de budget car ils peuvent l'intégrer.» Pour la journaliste, même si on peut faire des exceptions, mieux vaut procéder aux achats sans les principaux intéressés, «principalement parce que les enfants ont souvent très mauvais goût et qu'ils ont aussi un don pour la contradiction», s'amuse-t-elle.
*Guillemette Faure est journaliste et auteure d'ouvrages dont "Le meilleur pour mon enfant", aux Éditions Les arènes.
** Stéphane Clerget est pédopsychiatre et auteur de nombreux ouvrages dont le plus récent destiné aux adolescents : Comment faire de ton hypersensibilité une force ? aux Éditions Limonade.