Une graine de coton a germé sur la Lune
► Que s’est-il passé dans la mini-jardinerie emportée par la sonde chinoise ?
Lors de l’alunissage de la sonde Chang’e-4 sur la face cachée de l’astre sélène le 3 janvier dernier, les chercheurs de l’Institut de recherche de technologie de pointe de l’Université de Chongqing (sud-ouest de la Chine) ont débarqué avec un conteneur, pesant 3 kg et mesurant 18 cm, en forme de seau. À l’intérieur, de la terre, de l’eau, de l’atmosphère terrestre – avec 78 % d’azote, 21 % d’oxygène et 0,04 % de gaz carbonique – et de la lumière artificielle mimant le spectre solaire.
Dans la terre ou en surface ont été placées des graines de coton, de pomme de terre, de colza et d’arabette des dames (Arabidopsis, la plante modèle des généticiens), ainsi que des œufs de mouches du vinaigre (drosophiles, l’insecte modèle des biologistes) et des levures, des moisissures analogues à celles servant à fabriquer le pain ou la bière.
À terme, les Chinois ont probablement l’idée de recycler les déchets humains (excréments et urine) et de les mélanger avec de la terre pour en faire un terreau sur lequel les astronautes pourraient cultiver des plantes alimentaires. Anticipant déjà, l’agence Chine nouvelle va jusqu’à dire que les futurs habitants de la Lune pourront cultiver des plantes pour se fabriquer des vêtements…
Mardi 15 janvier, l’agence spatiale chinoise CNSA (China National Space Administration) a publié une photo d’une pousse blanche et verte de coton, émergeant d’une structure en treillis bleutée. « C’est la première fois que les humains effectuent des expériences de croissance biologique sur la surface lunaire », a déclaré le professeur Xie Gengxin, de l’Université de Chongqing, qui a conçu cette expérience inédite.
Today I learned how to build a storage container for art supplies that are currently in storage, ebonize wood, use… https://t.co/xKNNrtll82
— Amanda Meyer Mon Nov 16 07:02:10 +0000 2020
► Que peut-on en tirer comme leçon ?
« L’idée des Chinois est de reconstituer un petit écosystème terrestre dans l’espace », indique Michel Viso, vétérinaire, responsable de l’exobiologie au Cnes. Comment fonctionne cette « microTerre » sur la Lune ? Quand les œufs auront éclos, les mouches produiront du gaz carbonique, que consommeront allègrement les plantes vertes grâce à leur chlorophylle et la photosynthèse. Elles produiront des sucres (glucides) qui constitueront la matière des premières feuilles, et leurs tiges croîtront en longueur et en épaisseur. Le tout en libérant de l’oxygène qui sera le bienvenu pour les mouches. De leur côté, les levures, qui sont des champignons unicellulaires non photosynthétiques, vivent leur vie en libérant également du gaz carbonique dans l’air.
« Pour l’instant, cette expérience montre que la germination peut démarrer dans un environnement plus riche en radiations cosmiques – a priori délétères pour l’ADN des cellules – que dans une station spatiale habitée en orbite basse comme la Station spatiale internationale (ISS), ainsi qu’en présence d’une micropesanteur – égale à seulement un dixième de la gravité terrestre – ce qui a notamment pour effet de faciliter la gestion des fluides et la circulation de l’eau », observe le chercheur français.
Les Chinois n’ont communiqué, jusque-là, qu’en envoyant une photo, mais il faut espérer qu’ils aient également équipé leur écosystème d’instruments de mesure plus précis comme des thermomètres, des pH mètres pour quantifier l’acidité ou des oxymètres pour mesurer l’oxygène atmosphérique.
► Que sait-on déjà sur le vivant expédié dans l’espace ?
Depuis les missions des stations Mir et de l’ISS, on a réussi à faire se reproduire, malgré la microgravité, des graines d’orge lors de l’expérience russe Svet (« lumière » en russe). De même, à bord des capsules Shenzhou, les Chinois ont fait reproduire des grains de riz et des tomates. Dans ces dernières, les chercheurs ont constaté l’existence d’un grand nombre de mutations, infirmant ainsi une croyance selon laquelle l’espace pouvait être bénéfique à la reproduction des végétaux.
Chez les animaux, des expériences ont eu lieu avec Claudie Haigneré dès 1996 avec la station Mir, dans le cadre de la mission Cassiopée. Les chercheurs ont étudié l’influence de la micropesanteur sur le développement des œufs d’un amphibien appelé pleurodèle et ressemblant à une salamandre. Ils ont notamment constaté que, malgré des altérations du développement de l’œuf au cours des différents stades (de 1 cellule jusqu’à 64 cellules), les embryons étaient semblables à ceux obtenus sur la Terre, comme si les anomalies avaient été éliminées au cours du développement embryonnaire.