Jouets de fille/de garçon : êtes-vous prêts à contrer les stéréotypes à Noël ?

Jouets de fille/de garçon : êtes-vous prêts à contrer les stéréotypes à Noël ?

Par Julie Caron
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D’après notre étude IDM-Families pour magicmaman, 73 % des mères trouvent que les catalogues et les magasins de jouets sont trop marqués filles/garçons. Pourtant, plus les enfants grandissent et plus la réticence à leur offrir un cadeau en dehors des codes classiques semble grande.

Poupées pour les filles, petites voitures pour les garçons... force est de constater que certains jouets sont encore largement associés à un genre. À l’approche de Noël, ce constat est encore plus flagrant, avec certaines publicités qui misent sur le rose et d’autres sur le bleu. D’après une enquête réalisée par IDM-Families pour magicmaman, 73 % des mères trouvent d’ailleurs que les catalogues et les magasins de jouets sont trop marqués selon le genre. Heureusement, ces dernières années, nous avons pu constater une évolution qui va dans le bon sens. Par exemple, en 2019, Mattel a sorti sa gamme Creatable World, composée de kits de poupées non genrées, chacune avec des cheveux longs ou courts, ainsi que des vêtements distincts, des chaussures jusqu’à la veste. De son côté, Lego, premier fabricant de jouets au monde, n’étiquettera plus aucun produit avec la mention « pour fille » ou « pour garçon ».Jouets de fille/de garçon : êtes-vous prêts à contrer les stéréotypes à Noël ? Jouets de fille/de garçon : êtes-vous prêts à contrer les stéréotypes à Noël ?

Si la question préoccupe, c’est que de nombreuses valeurs, mais aussi de nombreux stéréotypes sont transmis à travers les jouets. Le jeu dans l’enfance, en particulier avant l’âge de 6 ans, permet au petit de se nourrir affectivement et émotionnellement. L’enfant joue pour découvrir, donc pour grandir, car dès sa naissance, il va essayer de comprendre le monde qui l’entoure à travers ses premières expériences, et notamment le jeu. D’après les neurosciences, quand un bébé naît, 10 % seulement de ses connexions neuronales sont construites. Tout le reste va dépendre de son environnement. Ce qu’on lui met entre les mains a donc un impact direct sur ses capacités et son habileté, et plus l’enfant joue à des jeux variés, plus il va développer de nombreuses compétences et découvrir sa propre nature. Pourtant, selon notre étude, les jeux de construction, les jeux vidéo, les équipements de sport et les figurines de superhéros sont majoritairement offerts aux garçons, environ deux fois plus qu’aux filles. Les petites voitures et les déguisements de superhéros sont quasi exclusivement offerts aux garçons. A contrario, les poupées, les déguisements de princesse, les dînettes et les peluches sont presque toujours offerts aux filles.

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En tant que parents, même si nous veillons à ne pas mettre les enfants dans des cases, difficile d’y échapper, comme le confirme la psychologue Nathalie Anton : « Pour faire plaisir et rester dans le consensus, l’entourage va souvent offrir des ouvrages ou des jeux stéréotypés. Du côté des parents, même s’ils ont conscience des clichés genrés que ces cadeaux véhiculent, il est compliqué de les refuser. » Même lorsqu’on est d’accord sur le principe, il est encore rare d’offrir une poupée à un garçon. « Pourtant, ils adorent jouer avec, comme les petites filles. Ce n’est que vers l’âge de 3 ans qu’ils s’en détournent, lorsqu’ils prennent conscience que ce n’est pas ce que la société attend d’eux. Mais jouer à la poupée ne revient-il pas tout simplement à imiter le rôle des parents et à prendre soin de l’autre ? Ces qualités altruistes, précisément nécessaires au lien social, ne devraient-elles être valorisées ? », interroge Nathalie Anton.

Les proches ne vont pas se rendre compte que ces petites choses entrent dans la construction de l’identité. Le rose et les poupées enferment dans le délicat, le joli, le mignon. La fille va être encouragée à développer l’ordre, le soin, le rangement, l’esthétique. Quant au garçon, on lui tend volontiers un camion, un avion, soit une ouverture vers l’extérieur. On le pousse aussi plus volontiers à jouer dehors et on l’autorise plus facilement à se salir (motricité, habileté). Il ne s’agit donc pas juste d’une question de jeux, mais cela implique de nombreux concepts : avec une épée, on invite aux mouvements amples, aux cris, on développe une rivalité avec un adversaire. Ce sont des comportements qui vont autoriser les garçons à prendre place dans l’espace, à s’imposer davantage... Et les enfants intègrent très tôt ces attentes liées au féminin et au masculin.

Offrir une poupée aux filles comme aux garçons

Jouets de fille/de garçon : êtes-vous prêts à contrer les stéréotypes à Noël ?

D’après une étude de l’université de Cardiff pour Mattel, publiée dans Frontiers in Human Neuroscience, on observe que les garçons jouent spontanément avec des jouets très variés lorsqu’ils se croient seuls, mais qu’ils se conforment à ceux qui correspondent à leur genre lorsqu’ils se savent observés par des adultes. « Dès le plus jeune âge, ils ont déjà intégré la dévalorisation du féminin. Ils pensent qu’ils rencontreraient des regards réprobateurs en jouant à la poupée », décrypte Élisabeth Moët, directrice marketing chez Mattel. Pourtant, jouer à la poupée aurait autant d’intérêt pour le développement de tous les enfants, selon les neuroscientifiques. Leurs recherches montrent que les régions du cerveau qui sont associées au traitement des informations sociales et à l’empathie s’activent durant cette activité. « Jouer à la poupée permet ainsi aux enfants, filles comme garçons, de développer leurs aptitudes sociales, et notamment l’empathie et la compréhension de l’autre », résume-t-elle.

Un constat que partage la psychologue familiale Clémence Prompsy. « Développer son empathie est une chose primordiale dans la vie d’un être humain, cette faculté sert non seulement à se mettre à la place de l’autre, à comprendre ses émotions et ses intentions, mais surtout elle permet d’être à l’écoute de nous-mêmes, et de savoir prendre les bonnes décisions en trouvant la juste réponse à nos besoins selon les attentes de l’autre », souligne-t-elle. Pour cette experte, une activité comme jouer à la poupée, sans gagnant ni perdant, sans but éducatif déguisé, permet ainsi de laisser les enfants s’évader dans leur imaginaire et développer leur créativité. « On a désormais la preuve scientifique de ce que nous ressentions en psychologie. La sphère du cortex préfrontal, la plus humaine et relationnelle donc, est stimulée en jouant à la poupée. Avec cette activité, l’enfant enclenche de nombreux processus sociaux qui lui seront utiles tout au long de sa vie », s’enthousiasme-t-elle.

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Claire, maman d’un petit Lino de 5 ans, a bien conscience de cette problématique. Son petit garçon est absolument fan de La Reine des neiges et aimerait passer sa vie dans le costume d’Elsa. « Quand il avait 3 ans, je trouvais ça mignon, puis j’ai commencé à avoir peur que les autres enfants se moquent de lui, donc j’ai essayé de freiner un peu son goût pour les princesses. Finalement, j’ai décidé de continuer à lui offrir les jouets dont il avait envie, et plutôt de lui apprendre à s’assumer. Je n’ai pas envie d’aller à l’encontre de ce qui le rend heureux, juste par peur du regard des autres. » Comme Lino, d’après notre enquête, 64 % des enfants ont déjà demandé des jouets plutôt destinés au genre opposé, dont 9 % souvent. Mais ce sont surtout les moins de 5 ans. En grandissant, avec l’entrée à l’école primaire, l’écart se creuse : 55 % des filles de 9 à 11 ans demandent des jeux dits « de garçon » versus 45 % des garçons de 9 à 11 ans qui demandent des jeux dits « de fille ». Le premier frein vis-à-vis de ce type de jouet est que cela ne correspond pas à la demande de l’enfant (87 %), mais les parents d’enfants plus âgés admettent plus volontiers qu’ils céderaient à ce genre de demandes avec plus de réticence.

Un constat que l’influenceur et auteur Alexandre Marcel, plus connu sous le pseudo de Papa Plume, comprend parfaitement : « Lorsque les enfants grandissent, ils s’exposent à une société encore largement normée. En tant que parents, nous devons trouver le juste équilibre entre l’épanouissement de notre enfant, si notre garçon veut sortir en legging à paillettes par exemple, et l’envie de le protéger, par crainte des moqueries ou pire », expose-t-il. Et de poursuivre : « Nous sommes tous imbibés par cette société, dans laquelle le regard des autres pèse, et il est difficile de s’en défaire. Mais je remarque qu’on a beaucoup moins de mal à offrir des jouets ou des vêtements dits “de garçon” à sa fille que l’inverse, car tout ce qui a trait à l’univers masculin dans l’inconscient collectif est plus valorisé. » Et si, à la place de déconstruire ces stéréotypes de genre, on faisait tout ce qui est en notre pouvoir pour ne pas les laisser s’installer dès le plus jeune âge ?

Tu seras cosmonaute, ma fille

Pour répondre à cette problématique, Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’Économie et des Finances, et Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des Solidarités et de la Santé, ont lancé en 2019 la Charte d’engagements volontaires pour une représentation mixte des jouets. Fédérations de distributeurs et de fabricants, associations, acteurs publics et professionnels de la petite enfance se sont engagés à lutter contre les stéréotypes véhiculés par les jouets. L’objectif premier est de mettre fin aux préjugés à l’encontre des femmes, qu’elles subissent dès l’enfance, mais aussi de « susciter davantage de vocations scientifiques » chez elles. « La signature de cette charte va dans le sens de la promotion d’une éducation positive, pour que chaque enfant laisse libre cours à sa créativité et à son intuition, favorables à son bon développement », analyse Adrien Taquet.

Les signataires de la charte ont ainsi adopté 34 engagements. Le premier est de développer des jouets qui ne véhiculent pas de clichés discriminants, en présentant notamment les jouets scientifiques de façon neutre ou mixte. Un autre engagement consiste à mettre fin à la catégorisation des jouets « pour les filles » et « pour les garçons » dans les catalogues et de les présenter « par catégories de produits ou par type de bénéfice apporté par le jouet (créativité, résolution de problèmes, développement physique et/ou intellectuel, etc.) ». « Particulièrement dans les mille premiers jours de leur vie, c’est par le jeu et les jouets que les enfants découvrent le monde et construisent leurs repères. C’est dès cette période que l’on doit lutter contre les stéréotypes attribuant aux filles et aux garçons des rôles différents, et combattre les biais inconscients qui se répercutent sur la mixité professionnelle plus tard », résume Adrien Taquet. On souffle l’idée au père Noël ?

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