Spasfon, Doliprane, Imodium... Du dioxyde de titane serait présent dans près de 800 médicaments
Par Léa Giandomenico Publié le Actu Voir mon actu
« 800 médicaments parmi ceux les plus prescrits contiennent du dioxyde de titane, une nanoparticule probablement cancérogène. » C’est ce qu’affirme le magazine de consommation Kali, ce mercredi 22 décembre 2021.
Le média a travaillé main dans la main avec l’association AVICENN, qui effectue une veille scientifique sur les enjeux des nanoparticules et regroupe des experts du sujet. Dans le dossier, ils alertent sur les dangers potentiels de cette substance et dressent la liste des médicaments concernés.
Les nanoparticules, microscopiques – « 50 000 fois plus petites qu’un cheveu » – selon le média, ont la faculté de se glisser jusque dans les cellules humaines et dans l’ensemble des organismes vivants.
« Blanchir les médicaments »
Pourtant, le dioxyde de titane, cette substance identifiée comme un excipient et présente dans près de 800 médicaments, a été classé cancérogène probable en 2006 par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) puis classé cancérogène certain en 2021. La journaliste rappelle que le dioxyde de titane est utilisé « pour blanchir les médicaments et les rendre plus brillants ».
L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) s’était également saisie de la question. En 2016, elle avait rendu un avis concernant les produits alimentaires, considérant que le dioxyde de titane ne pouvait plus « être considéré comme un additif alimentaire sûr ».
L’organisme avait soumis en juin de la même année à l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) « une proposition de classification du dioxyde de titane en tant que substance cancérogène par inhalation », comme l’indique son site internet.
Un paradoxe
« Également présente dans des produits alimentaires, cette nanoparticule a donc été proscrite de l’alimentation le 1er janvier 2020, car reconnue nocive lorsqu’elle est ingérée », indique la rédactrice en chef de Kali.
Ainsi, cette interdiction met en avant « un paradoxe évident : on proscrit l’utilisation de cette substance dans des aliments, car on on reconnaît un risque pour la santé, mais on continue à fabriquer des médicaments qui en contiennent… », se désole Christelle Pangrazzi.
Des effets à long-terme
À court-terme, rien n’est sûr concernant les effets indésirables de cette substance. « Mais consommée à haute dose et sur la durée, la nanoparticule peut avoir de graves effets sur l’organisme « , affirme Christelle Pangrazzi. Le média signale qu’on soupçonne cette substance de « favoriser le cancer colorectal lorsqu’elle est ingérée et le cancer pulmonairelorsqu’elle est inhalée ». Pourtant, le dioxyde de titane serait présent « dans un tiers des médicaments mis en vente sur le marché ».
En 2018 déjà, le magazine 60 millions de consommateurs alertait sur le danger des nanoparticules présentes dans les médicaments. Le média révélait le côté controversé de ces substances. On pouvait y lire qu' »une étude récente de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) a mis en évidence leur potentiel cancérogène chez le rat ».
Le média préconisait « par principe de précaution […] d’essayer de remplacer tout médicament incorporant du dioxyde de titane […] par son équivalent sans dioxyde de titane ».
« Faire bouger les lignes »
Alors pourquoi la nanoparticule n’est-elle toujours pas interdite dans les médicaments ? Dans le dossier du magazine Kali, on lit que l‘Agence européenne des médicaments (EMA), estime qu’ »une période de transition de 10 ans voire plus » serait nécessaire pour supprimer ce colorant des médicaments.
L’agence avance également l’argument de potentielles « pénuries importantes de médicaments » si la substance venait à être interdite.
Tout ne serait pourtant pas mauvais dans les nanoparticules. Le boom de la nano médecine s’explique par le fait que cette science permettrait « d’améliorer l’efficacité thérapeutique de certains traitements », soulignent les journalistes de Kali.
Mais sans réel encadrement des risques et sans transparence complète sur le sujet, « il faut être précautionneux », déclare encore la rédactrice en chef. Cette dernière estime qu’il serait nécessaire de « protéger les populations fragiles qui ingèrent ces substances ».
Une révision prévue par les autorités sanitaires dans trois ans
Suite à la demande de l’association AVICENN, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a mis plusieurs années avant de fournir un rapport sur le sujet, dans lequel elle reconnaît que « l’évolution des connaissances scientifiques sur les risques liés aux nanotechnologies doit conduire les législateurs et les autorités compétentes à faire évoluer cet encadrement », comme on peut lire dans Kali.
« L’ANSM admet que les méthodes utilisées pour évaluer et autoriser les médicaments doivent être mises à jour ».
Sollicitée par actu.fr, l’ANSM indique qu’un « projet de règlement sur les additifs alimentaires prévoit pour le moment de maintenir le dioxyde de titane sur la liste des additifs autorisés dans les médicaments. Le projet de règlement prévoit une révision de la situation dans les 3 ans […]. Dans l’attente de cette révision à 3 ans, l’industrie pharmaceutique doit dès à présent engager des actions pour accélérer la recherche d’alternatives visant à remplacer le dioxyde de titane dans les médicaments. »
Une pétition en ligne et une demande de changement réglementaire vont être envoyées au ministère de la Santé et au ministère de la Transition écologique. L’enjeu serait de « porter la demande auprès des instances européennes par la suite », souhaite Christelle Pangrazzi.
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