Betty Autier, la vie après le blog

Betty Autier, la vie après le blog

La blogueuse star de la mode avec 1,5 million de fans sur les réseaux sociaux et 50 000 visiteurs par jour, n’alimentera plus son blog. Betty Autier sort un livre, Le monde de Betty, et veut lancer sa propre ligne de vêtements. « Leblogdebetty » n’est plus que Betty et nous l’avons rencontrée.

Elle fume devant un hôtel particulier du IIe arrondissement de Paris où nous l’attendons, non loin de chez elle. Betty Autier porte une chemise aux motifs hawaïen sur un jean noir terminé par des baskets à scratch et plateforme. Elle entre, s’installe avec sa bouteille de San Pellegrino, nous gratifie d’un large sourire. La jeune blogueuse, désormais auteure, s’est levée à 8h30 ce matin, a bu un café et petit déjeuné un croissant accompagné d’un pain au chocolat, “même pas honte”. Elle publie le 5 octobre son premier livre, Le monde de Betty, aux éditions Flammarion, dans lequel elle se raconte.

“Je pense que je fais partie d’un phénomène qui intéresse les gens. Donc il ne s’agit pas tant d’écrire sur moi et sur ma vie, mais plutôt d’en dévoiler un peu plus sur quelque chose qui intrigue encore aujourd’hui”. La blogueuse. Ou l’instagrameuse. Qui gagne des milliers d’euros par mois sur son image – elle racontait en 2014 gagner entre 300 et 500 000 euros annuels. Que les marques s’arrachent. Qui voyage partout dans le monde. Intriguant, c’est vrai. Betty répétera à plusieurs reprises lors de cet entretien qu’elle a “créé son propre job”. Et il faut lui concéder qu’elle était effectivement parmi les premières à poster, il a près de 10 ans, ses tenues du jour sur un site perso mais public, avec un petit mot à l’intention de ses lecteurs. Activité dont elle souhaite désormais se détacher.

Betty hors du blogCette émancipation s’est imposée comme une évidence. Et Betty se transforme en théoricienne du web 2.0 lorsqu’elle explique que le format blog est un peu dépassé, détrôné par les réseaux sociaux. “Il y a Instagram, Snapchat, Facebook, j’écris et partage déjà sur tous ces supports, à quoi bon retourner sur un site pour réécrire les mêmes choses, alors que ce site n’a pas la même accessibilité et facilité de consultation que les réseaux ?”. Bonne question, Betty. Elle-même ne consulte plus de blog, le désaveu est total.

Betty Autier, la vie après le blog

Alors à 33 ans, elle migre. Leblogdebetty restera ouvert, comme un centre d’archives publiques, mais les choses se passeront désormais sur bettyautier.com, un nouveau site encore en maintenance où se succéderont des photos. Et pas que des photos de looks. Des photos d’ambiance, de vacances, de soirées, même des argentiques. Betty veut se défaire des codes tradi du blogueur tenu d’accessoiriser ses photos, toujours au même format, d’un texte souvent superficiel. Et Betty veut aussi développer l’aspect vidéo. Snapchat n’épargne personne. Et Betty veut créer sa propre marque de fringues. Pour tendre à quelque chose de plus matériel, comme amorcé avec la publication de son livre.

Betty et la haine

Betty a eu accès à internet avant les années 2000. Le premier site qu’elle visite est celui de Fabien Barthez, en 1998 lors de la Coupe du monde. Elle a vu le web partageur, créateur de contact, l’Internet qui répond, se développer. Alors elle a une autre théorie bien sentie, à propos des haters qu’elle a toujours soigneusement ignorés appliquant à la lettre l’une des règle de base propre au monde virtuel : Don’t feed the troll.“La hate est intéressante. Sociologiquement, quand t’es victime d’un bad buzz, c’est juste un moment où tu bénéficies d’une exposition surréaliste. Un monde sans hater c’est un monde où personne ne parlerait avec personne, car de toute façon tout le monde serait d’accord”. Elle continue en citant Justin Bieber qu’elle a été voir en concert à Bercy, et expose qu’il a autant de fans que de détracteurs et que c’est cette ambivalence qui lui confère cet aura et cette influence.

Autre chose ? “Et être un hater c’est finalement juste une bonne planque. C’est la meilleure façon de s’intéresser à quelque chose lorsqu’on assume pas totalement cet intérêt. Le hater est là, il regarde ce qu’il se passe, n’en perd pas une miette, et s’en dédouane en disant qu’il est juste là pour détester”. Betty adore ses détesteurs parce qu’elle pense que ce sont au fond des adorateurs refoulés et parce que de toute façon, leur existence même prouve que la sienne a de l’importance.

Betty avant le blog

Betty Autier n’a jamais aimé l’école. Elle quitte donc le lycée et potasse son bac à la maison qu’elle obtient avec mention. Elle se perd une semaine en fac de géographie puis tente finalement de devenir maquilleuse professionnelle. Un an plus tard elle s’inscrit au Court Florent, y reste deux ans, écume les castings… A tout juste 20 ans, elle achète une maison dans le centre-ville d’Argenteuil grâce à l’assurance-vie léguée par son père, décédé alors qu’elle n’avait que 3 ans. Betty n’est toujours pas blogueuse. Elle devient standardiste et vendeuse chez Etam. Puis elle se retrouve devant Google, et de demande ce qu’elle peut faire. Pour être connue, pour partager ses photos, pour interagir. Un mot revient dans ses recherches : le mot blog. Nous sommes le 26 mai 2007, Betty Autier prend la main d’internet et ne la lâchera plus jamais. Elle domine rapidement la blogosphère française, à l’époque encore vierge de réelle concurrence. Elle l’a assez dit : son job, elle l’a inventé. Betty était là avant.

Aujourd’hui elle est suivie par près de 855 000 personnes sur Instagram, où plus de 50 000 d’entre elles regardent ses stories. Elle a traduit son blog en anglais et en espagnol mais également en portugais, car son audience s’étend jusqu’au Brésil. Elle devient ambassadrice du sac Coco Cocoon de Chanel, signe une collab avec Lancaster lors de laquelle elle dessine un sac qui porte son nom, best-seller de la marque pendant deux ans. Betty pose également pour une campagne Vuitton, s’associe à Gucci, Givenchy, Lacoste, et tellement d’autres. Betty, légitime auprès des plus grands parce que l’une des premières et des plus anciennes, est devenue une icône, connue dans le web entier.

“Quand j’étais petite, j’avais ce rêve un peu inavouable de vouloir être célèbre. Mais ce besoin viscéral d’être aimé, je ne pense pas qu’il soit forcément malsain, mauvais ou bête”. Besoin accompli.

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