Le coronavirus réconcilie-t-il les Marocains avec l’achat en ligne?
Depuis le début de la crise sanitaire due au Covid-19, le comportement des consommateurs marocains a changé de manière spectaculaire. Les priorités d’achat ne sont plus les mêmes, une immense inquiétude sur la disponibilité de certains produits alimentaires sur le marché, notamment l’achat panique des produits d’hygiène, ont révélé que les Marocains sont prêts à dépenser plus qu’auparavant pour leurs achats d’hygiène ainsi que pour certains produits alimentaires.
Bien qu’à première vue cela puisse être considéré, dans certains secteurs, comme étant de nouvelles motivations de consommation susceptibles d’encourager l’acte d’achat, ce même contexte sanitaire donnait naissance à plusieurs freins aux consommations dont principalement la baisse du pouvoir d’achat, l’impossibilité de se rendre dans certains magasins et le risque élevé de la contamination dans les supermarchés et les grandes surfaces.
Il ne fait donc aucun doute que le confinement des consommateurs à leur domicile a impacté leurs perspectives et leurs perceptions vis-à-vis de la consommation. Ce changement de comportement, appelle les entreprises à revoir leurs offres à travers une adaptation stratégique et non seulement opérationnelle. Cette adaptation peut être axée principalement sur les nouveaux canaux de distribution dont l’e-commerce demeure une option incontournable.
Une étude menée par Ipsos MORI a montré qu’en Chine, foyer originel de la pandémie, la moitié des consommateurs ont déclaré qu’ils utilisent désormais le commerce électronique plus fréquemment que par le passé, la même déclaration est confirmée par plus d’un tiers des consommateurs Italiens.
L’e-commerce au Maroc: où en étions-nous avant la pandémie ?
Plusieurs indicateurs relatifs à l’accessibilité à internet au Maroc reflètent une croissance fulgurante du taux de connectivité chez les Marocains. Dans l’un de ses rapports, l’ARNT a dévoilé que plus de 74% des ménages ont eu accès à internet en 2018 et que plus de 75% des Marocains âgés entre 12 et 65 ans sont équipés d’un Smartphone.
Pour sa part, le centre monétique interbancaire (CMI) a déclaré que l’encours des cartes bancaires émises par les banques marocaines, au troisième trimestre de 2019, dépasse les 16 millions ainsi que les transactions en ligne ont augmenté de plus de 46% en valeur et de 18% en volume avec un total d’opérations qui dépasse les neuf millions de dirhams par an.
Cette montée en puissance du digital semble refléter un recours de plus en plus élevé par les Marocains aux sites marchands, alors qu’en réalité et selon une étude publiée par l’ANRT, en 2018, seulement 14% des Marocains ont effectué des achats en linge. Le CMI a également révélé que plus de 70% des transactions effectuées en ligne concernent uniquement le paiement des factures (télécom, eau, électricité) et l’achat des billets d’avion.
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— Maura Yokoyama Tue Jan 29 19:32:52 +0000 2019
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les entreprises Marocaines sont donc passées à côté de toutes les opportunités offertes par l’économie numérique et l’infrastructure digitale dont le Maroc dispose. En conséquence le consommateur Marocain reste toujours réticent vis-à-vis de l’achat en ligne, en ayant peur des tentatives de fraude, ce qui crée un enivrement de défiance.
La Covid 19 réconcilie-t-elle les Marocains avec l’achat en ligne?
Par la force des choses et à l’instar de plusieurs pays du monde entier, de nombreux consommateurs Marocains, confrontés à ces nouveaux défis sanitaires qui imposent la limitation des déplacements, sont tournés vers les magasins en ligne, qui leur permettent de faire des courses et différents achats sans avoir à se déplacer vers les magasins physiques. Ils sont donc en train de déconstruire petit à petit l’un des obstacles majeurs qui freinent l’émergence de l’e-commerce au Maroc, celui relatif à la confiance envers le processus d’achat en ligne.
Il est important de souligner qu’actuellement on ne dispose que de très peu de chiffres et de statistiques pour étayer ce constat, il faut donc attendre la fin du deuxième trimestre 2020 pour pouvoir se prononcer de manière fiable sur le bilan général.
Cependant, plusieurs entreprises ont opté pour le développement de nouvelles plateformes digitales pour assurer la continuité de leurs activités, particulièrement les magasins de franchise des enseignes d’habillement, qui font partie de l’un des secteurs les plus touchés par cette crise. De leur part, les grands acteurs du secteur alimentaire comme les supermarchés et les hypermarchés ont collaboré avec d’autres sociétés de transports pour assurer la livraison dans certaines zones géographiques.
Pendant cette pandémie, l’e-commerce a permis, également, de mettre en lumière de multiples initiatives solidaires qui promeuvent les produits et les services proposés par des petits commerçants, afin qu’il puisse survivre face à cette crise et couvrir leurs charges.
De manière générale, l’e-commerce au Maroc a pu tirer profit de cette situation sanitaire sauf que plusieurs d’entreprises et commerçants qui ont misé sur l’e-commerce pour assurer la continuité de leurs activités ou pour accroitre leurs ventes, n’ont pas réussi à garantir une meilleure expérience utilisateur en termes des solutions techniques et marketing qu’ils ont adopté!
Quel avenir pour l’e-commerce au Maroc?
Il ne fait aucun doute qu’un grand pas en avant a été franchi pour instaurer un climat de confiance susceptible d’encourager l’achat en linge au Maroc. Toutefois de nombreuses incertitudes subsistent autour de la satisfaction des clients envers les services qui leur ont été offerts par les sites de e-commerce pendant ce confinement, notamment les perturbations des livraisons et les problèmes des approvisionnements.
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Il est à noter également que ce recours des consommateurs aux sites marchands ne peut en aucun cas être considéré comme un fruit du développement des stratégies marketing des entreprises Marocaines. Il s’agit tout simplement d’un bouleversement inopiné dans le comportement des consommateurs dû à la crise épidémiologique. Du coup, pour pouvoir combler ce fossé digital dont diverses entreprises souffrent, il faut tout d’abord arrêter de voir le numérique comme étant un luxe mais plutôt un besoin vital.
Les entreprises marocaines sont appelées donc à fournir beaucoup plus d’efforts sur le plan marketing pour fidéliser ces nouveaux clients une fois la crise passée. C’est un objectif stratégique et complexe à la fois mais largement réalisable par une bonne gestion de la relation client.
Le marketing digital a également un rôle décisif, il permet aux plateformes de vente de répondre aux critères de référencement naturel, adoptés par les moteurs de recherche, afin qu’ils réussissent à accroître leur visibilité et convertir leurs visiteurs en clients. Ceci implique la nécessité de la qualification des ressources humaines pour qu’ils soient en mesure de déterminer et de mener à bien cette aventure digitale.
Par Salma Tahbouch, chercheuse en management et administration des entreprises à l’IAE de l’université de La Rochelle