Je n’aurais jamais imaginé en découvrir autant sur l’acceptation de soi en travaillant sur cette BD - BLOG
ACCEPTATION DE SOI - La voie de la sagesse est une fiction. Je voulais créer une histoire comme j’aime en lire ou en voir au cinéma, décalée, avec de l’humour, du rythme, des ascenseurs émotionnels, des personnages parfois un peu barrés, souvent empêtrés dans leurs contradictions.
Le point de départ de l’écriture, en revanche, était personnel. Comme Nina, la journaliste du roman graphique, je m’interrogeais: pourquoi accorder encore tant d’importance à mon apparence, qui ne me satisfait jamais?
Pourquoi, consciente de mes nombreux privilèges, et même si je sais bien que dans le fond, mon cul, on s’en fout, je perds un temps dingue à m’observer, à ruminer un bout de gras, une cicatrice, une ride, une dent jaunie, des cheveux secs?
Je le sais, je suis conditionnée à faire tout un tas de trucs que je n’ai pas envie de faire (bannir les laitages le soir, ça ferait gonfler le ventre [sic], me doucher à l’eau glacée pour moins de cellulite, m’épiler, m’interdire le pain 4 jours/semaine [je n’y arrive jamais, évidemment]. Liste vraiment pas exhaustive. Comprendre que je suis conditionnée à me rendre la vie plus compliquée ne m’aide pas à la simplifier.
Des réflexes plus forts que moi
Mon corps ne définit pas ma valeur en tant que personne, mais je m’en soucie comme si je n’avais rien d’autre à offrir [genre, mon cerveau]. Pourquoi ces réflexes sont-ils plus forts que moi?
J’ai demandé à des femmes de différents âges et horizons, si dans les dernières 24 heures, une partie de leur corps les avait chagrinées, ne serait-ce qu’une seconde? 100% ont répondu oui. Je me suis dit que j’avais peut-être de quoi commencer à mouliner.
Au cours de mes recherches pour le livre, je suis tombée sur la nymphoplastie. Cette opération de chirurgie esthétique de la vulve, qui vise, en raccourcissant les grandes et/ou petites lèvres, à obtenir « l’abricot fendu » ou encore « le sexe de Barbie » (re sic, Barbie n’a pas de sexe).
J’ai appris que cette opération, qui peut entraîner de douloureuses complications au vu de nombreux témoignages, n’était quasiment jamais (voire complètement jamais) motivée par un besoin médical. Par ailleurs, elle peut être pratiquée sur des mineures. Un flot de questions m’a submergée : comment est-ce possible ? Quel.le médecin peut accepter cela ? Quel parent peut accepter cela ? Comment une jeune de 14 ans, une enfant, peut déjà à ce point détester son intimité même pas encore complètement formée ? Et moi au fait, est-ce que j’ai déjà été dégoûtée par mon intimité ? Par ma vulve ? Est-ce que j’ai du mal à dire « ma vulve », comme si c’était en soi déjà un peu dégueu ?
J’avais mon fil rouge narratif.
Faire face à mes contradictions
C’est donc en se plongeant dans une enquête journalistique autour du destin d’Aliénor, une adolescente de 14 ans décédée suite à une nymphoplastie, que Nina fera face à ses contradictions.
Les rencontres marquantes que Nina s’apprête à vivre vont l’interroger sur son rapport au corps et au monde. La génération d’Aliénor et de sa cousine Anaïs, lycéenne, la questionne beaucoup. Ces filles, ces jeunes femmes, semblent tellement plus informées, plus conscientes du patriarcat, plus à l’aise dans leur corps, prêtes à défendre leurs droits… Mais elles n’ont toujours pas la possibilité de porter un tee-shirt au-dessus du nombril par 35 degrés sans passer pour des séductrices anti-républicaines, par exemple.
Mon rapport au corps et au monde
Et ce flot d’images filtrées en continu des réseaux sociaux, l’omniprésence des influenceuses télé-achat qui promeuvent tel maquillage ou telle crème anti-mocheté, ce corps des femmes, voire des très jeunes femmes, toujours autant hypersexualisé… Peut-on vraiment y échapper ?
Mais au fond Nina, que sait-elle vraiment de leur vie, elle qui est déjà « vieille » ?
Même si le livre peut aborder des sujets difficiles, je tenais absolument à ce qu’il reste drôle, pétillant et surprenant. La bonne surprise? Voir que les femmes ET les hommes sont embarqués par cette histoire, amusés et touchés.
Il n’y a pas de quête de morale, pas non plus de réponses à tout, mais il y a des questions, des tentatives, des rigolades, des rencontres, des aventures.
Comme dans la vie, Nina n’aurait jamais pu imaginer où cette enquête aller la mener! Elle se décentre et peut embrasser plus d’expériences, de sensations, de réflexions.
Moi-même, en y travaillant, je n’aurais jamais imaginé ce que ce livre allait réveiller.
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Anne Boudart
Autrice-illustratrice