Faute de preuve de “violences policières”, les experts jugent le LBD indispensable
Parmi les participants au séminaire organisé par Christophe Castaner pour “réformer le maintien de l’ordre”, un fidèle expert de BFMTV, Driss Aït Youssef, fervent partisan du LBD. Mounir Mahjoubi, lui, salue la grandeur de la France et de son IGPN sur CNews.
« Christophe Castaner veut réformer le maintien de l’ordre », annonce Olivier Truchot lundi sur BFMTV, au soir de la tenue au ministère de l’Intérieur d’un « séminaire qui réunissait différents acteurs français et internationaux de la sécurité ». Des « acteurs », relèvent David Dufresne, Libération ou Le Monde, parmi lesquels ne figurent aucun des chercheurs habituellement consultés par l’ONU ou le Conseil de l’Europe, pas de représentants d’ONG, pas de médecins, pas d’avocats, pas de victimes… Mais un « acteur » de TF1, Georges Brenier, qui expliquait le 10 janvier dernier au 20 heures que, « depuis le début du mouvement des Gilets jaunes, il n’y a pas eu de bavure, pas de mort, pas de blessé grave ».
Le présentateur de BFMTV précise : « Le ministre de l’Intérieur récuse le terme de “violences policières”. » Il préfère le terme de « douceurs policières ». « Nous sommes avec un participant à ce séminaire, se rengorge Olivier Truchot. Driss Aït Youssef, vous êtes président de l’Institut Leonard de Vinci. » Et consultant de BFMTV. Car la chaîne info aussi a son « expert » à Beauvau. Le même qui plaidait pour la mutilation des black blocs en février dernier et qui, le 16 mars, assimilait le moindre usage du LBD à « une défaite politique ». Le présentateur interroge : « Driss, vous avez dit quoi lors de ce séminaire ? » La même chose que tous les samedis sur BFMTV, j’imagine. Autant dire que le bandeau « Maintien de l’ordre : tout changer ? » promet de tout changer pour ne rien changer.
L’expert de l’Institut Léonard de Vinci, du ministère de l’Intérieur et de BFMTV énumère les menaces apparues ces dernières années lors des manifestations, « casseurs », « black blocs », « communication instantanée par les réseaux sociaux »… Olivier Truchot le reprend : « Vous dites “manifestations”, on avait plutôt l’impression d’assister à des scènes d’émeutes. » Et même à des scènes de guérilla insurrectionnelle, si je me souviens bien.
Le présentateur aborde l’usage controversé du LBD. Alexandra Gonzalez, journaliste police-justice, bien renseignée (par Driss Aït Youssef ?), révèle que « le LBD a visiblement été jugé indispensable par les experts réunis pour ce séminaire ». Tout changer pour ne rien changer, c’est confirmé. « Mais la formation peut être améliorée. » Pour un usage plus intensif du LBD. « On a aussi parlé d’innovations technologiques, par exemple des visées laser afin de permettre plus de précision. » Grâce à des drones lancés dans le ciel de Paris par Mounir Mahjoubi.
L’experte police-justice résume : « Ce qui pose problème avec le LBD, c’est qu’il permet à distance de faire cesser des violences. » Ce qui pose problème avec le LBD, ce n’est pas qu’il permette de mutiler à distance. Et pour cause : « C’est ce que disent les policiers. » « C’est mieux que le corps à corps », approuve Olivier Truchot. Surtout face à un boxeur comme Christophe Dettinger.
« Le LBD permet de faire cesser les infractions, vante Alexandra Gonzalez. Mais, à distance, il ne permet pas de viser correctement. C’est pour ça qu’il y a des personnes qui se retrouvent visées au visage et donc éborgnées. » La faute à pas de chance. Olivier Truchot appuie : « A priori, on ne vise pas le visage, bien entendu. » Bien entendu. Mais voilà, ce qui pose problème avec le LBD, détaille Jean-Marc Manach sur Bastamag, c’est le cahier des charges des munitions commandées en 2016, actuellement en service, qui stipule : « La recherche “d’une précision optimale” est “souhaitée” pour que les impacts sur la personne visée soient “contenus obligatoirement dans un rectangle de dispersion de 50 cm de hauteur et 40 cm de largeur”. » Or, remarque Jean-Marc Manach, « pour être sûr d’écarter la tête de ce “rectangle de dispersion”, et donc éviter le risque d’éborgnement, le tireur devrait a priori viser... l’entre-jambes, ce qui est également interdit ».
Olivier Truchot interroge l’expert du ministère de l’Intérieur, de l’Institut BFMTV et de Léonard de Vinci : « Est-ce l’arme qui est dangereuse ou est-ce que ceux qui l’ont utilisée n’étaient pas bien formés ? » Le consultant est formel : « Cette arme présente une dangerosité mais elle est indispensable. » A la mutilation des manifestants. « Elle est indispensable mais pas partout, remarque le présentateur. Surtout en France, non ? » « Oui mais, en Espagne, ils ont des fusils avec des balles en caoutchouc. » Et au Soudan, ils ont des mitrailleuses avec des balles en fraises Tagada. « Et ça devient pour eux indispensable. » Ils sont accrocs aux fraises Tagada.
« En France, répète Driss Aït Youssef, avec le LBD, il y a une certaine dangerosité mais elle est indispensable. » La dangerosité ? Il assure que le LBD est seulement « utilisé contre les casseurs ». « Il y a eu plein de témoignages de simples manifestants qui se sont fait tirer dessus », objecte Olivier Truchot. « Vous avez trois difficultés », admet l’expert BFMTV de l’Institut du ministère de l’Intérieur de Léonard de Vinci. Il cite « la formation des policiers », leur « encadrement » et enfin « la cible. Vous avez des cibles qui bougent, qui ne sont pas statiques, qui sont mobiles ». C’est embêtant. Avis aux manifestants : si vous pouviez jouer à 1, 2, 3, soleil quand les policiers vous mettent en joue, ça les aiderait à vous ajuster l’entrejambe et ainsi à éviter tout éborgnement. Sans cela, « on ne vise pas le bon », regrette Olivier Truchot. « On ne sait pas si on ne vise pas le bon, nuance Driss Aït Youssef. Il y a des enquêtes pour le déterminer. » Pour déterminer quel manifestant a bougé.
« Quand vous avez des individus qui jettent des boules de pétanque sur les policiers… » Encore elles ? C’est dingue, ces milliers de boules de pétanque qui pleuvent chaque samedi (de la bouche de Christophe Castaner et de celles des experts BFMTV). « … S’ils répliquent avec le LBD, c’est toujours mieux qu’avec une balle létale de 9 mm. » On vit très bien avec un œil ou une mâchoire en moins — beaucoup mieux que quand on est mort. « C’est la justice qui dira si le policier a fait un usage illégitime ou disproportionné de son LBD. » Une justice connue pour sa célérité et sa sévérité : « Des policiers ont déjà été condamnés pour un usage réglementaire non conforme du Flash-Ball. » A du sursis, dix ans après les faits. « Si on enlevait les LBD et les grenades de désencerclement, s’inquiète Olivier Truchot, il resterait quoi finalement pour maintenir l’ordre ? » Des chars Leclerc ? Des hélicoptères de combat ? « C’est tout le débat, agrée l’expert de l’Institut du ministère Léonard de Vinci de l’intérieur de BFMTV. Moi, je dis qu’il n’y a pas d’autre choix que d’utiliser ces armes. » D’où la nécessité d’organiser un séminaire pour le rappeler.
« Christophe Castaner a évoqué une nouvelle stratégie de maintien de l’ordre », annconce à son tour Laurence Ferrari sur CNews. Elle donne la parole à son invité, Mounir Mahjoubi, candidat LREM à la mairie de Paris. « Nous sommes la France !, clame-t-il. Et il y l’IGPN ! » Cocorico ! Je lui fais d’autant plus confiance que l’IGPN agit sous l’autorité du ministère de l’Intérieur et que sa directrice, Brigitte Jullien, conteste tout comme son patron l’existence de « violences policières ». « Ce n’est pas le cas dans tous les pays. » Voyez le Vénézuela. « Aucun autre pays n’a autant enquêté sur les actions de ses propres forces de l’ordre. » Voyez la Corée du Nord.
« La réalité, insiste Mounir Mahjoubi, c’est que nous sommes en France ! » Ça fait chaud au cœur de tous les mutilés. « La réalité, c’est qu’à chaque fois, une enquête est lancée. » Mais voilà, par le plus grand des hasards, « aucune enquête n’a permis de conclure que la responsabilité d’un policier était engagée à titre individuel », déplore Brigitte Jullien dans Le Parisien. « Mieux que cela, je ne sais pas si vous savez, après la diffusion de certaines vidéos, des CRS eux-mêmes se sont rendus au commissariat pour dire : “Ecoutez, je crois bien que c’est moi qui est désigné par cette vidéo, je voudrais pouvoir m’expliquer.” » Faute avouée à moitié pardonnée, et même complètement, grâce aux pressions exercées par leurs syndicats sur les politiques et les juges. « La France est ce pays où on a une confiance absolue dans nos forces de l’ordre… » Et dans la parole de Mounir Mahjoubi. « … Et où il y a ce contrôle permanent. » Célébré à la fois par le Défenseur des droits, le Conseil de l’Europe et la Commission des droits de l’homme de l’ONU.
Clément Viktorovitch s’indigne que la justice n’est pas été saisie du sort réservé aux lycéens de Mantes-la-Jolie, Mounir Mahjoubi conteste, Laurence Ferrari intervient : « On était sur les Gilets jaunes ! » Faudrait voir à pas confondre la répression des lycéens de banlieue avec la répression des Gilets jaunes, ça n’a rien à voir. Jean-Claude Dassier admet qu’il a pu y avoir « quelques rares violences policières. Il y a eu la chute de cette malheureuse femme à… je ne sais plus… à Nice ». Malencontreuse chute d’une infortunée qui a trébuché par inadvertance. « Mais de là à instruire la violence policière, avec le niveau de violence qu’on a eu en face… C’est de la politique !, s’emporte l’éditorialiste, fâché contre Clément Viktorovitch. Vous faites de la politique ! » En revanche, nier les violences policières, ce n’est pas faire de la politique, c’est œuvrer à la manifestation de la vérité. « Vous agitez du vent ! » Et Jean-Claude Dassier agite de drôles de relents.
« Je suis complètement d’accord avec Jean-Claude Dassier, réagit Damien Abad, vice-président de LR. Bien sûr qu’il peut y avoir quelques maladresses. » Des gaffes, des boulettes, des étourderies. « Mais la réalité de la situation, c’est qu’on a vu des images inadmissibles en Etat de droit. » Pour preuve, sur CNews, la discussion sur d’hypothétiques violences policères est tout entière illustrée par les inadmissibles images du saccage de l’Arc de Triomphe et du martyre enduré par le store du Fouquet’s. « On a vu des commerçants, des artisans qui ont vu leur chiffre d’affaires divisé par deux. » Un chiffre d’affaires amputé de moitié, voilà bien une authentique mutilation.
Mounir Mahjoubi s’en prend à Clément Viktorobitch, l’idiot utile des casseurs. « Clément, vous prenez pour acquis tous les acquis démocratiques de notre système policier en France. » Euh… pardon, ça veut dire quoi ? Que les acquis de l’État de droit ne sont pas acquis ? « Ça n’est pas la même chose dans les autres pays d’Europe. » Certains respectent l’Etat de droit.