Le bénévolat ponctuel est-il l’avenir de l’engagement ?

Le bénévolat ponctuel est-il l’avenir de l’engagement ?

L’ère de l’investissement ininterrompu et sans faille pour un projet a vécu. Bienvenue dans la société du « à la carte » ! Que ce soit au travail, dans les relations sociales ou dans les loisirs, de nouvelles tendances se dessinent privilégiant la flexibilité. La solidarité n’est pas exempte de cette évolution. Au contraire, elle s’en est saisi rapidement et en a fait, en partie, son mode de fonctionnement.

Le Covid-19 comme révélateur de cette forme d’engagement

La pandémie du Covid-19 a apporté avec elle son lot de belles histoires. La presse régionale a fréquemment raconté la mobilisation ponctuelle de bénévoles dans des centres de vaccinations pour prêter main forte aux soignants. Mais au-delà de ces cas particuliers liés au contexte, on observe un changement plus global dans les façons de s’engager.

En 2019 déjà, le Baromètre du bénévolat de France Bénévolat, faisait état de cette nouvelle donne : 29 % du bénévolat total est réalisé lors de missions ponctuelles. Émilie est l’une de ces bénévoles « nouvelle génération ». De la maraude alimentaire aux cours de français pour personnes étrangères en passant par la collecte de déchets, la jeune femme s’est régulièrement engagée en répondant à de nombreuses missions de bénévolat ponctuel. Ce type d’engagement lui permet de jongler avec les contraintes du quotidien : « C’est vraiment pratique quand on a un emploi du temps bien rempli », estime-t-elle.

Ce mode de bénévolat permet aux étudiants et aux actifs, comme Émilie, de s’engager plus facilement… Mais pas seulement. Il attire également des retraités, population historiquement très présente dans le monde associatif. Ils souhaitent, eux aussi, s’engager différemment.

« La société a changé »

Variété, flexibilité… Depuis 2019, de nombreuses structures ont adopté ce mode de fonctionnement. Les Restos du Cœur font par exemple appel à 23 000 bénévoles ponctuels contre 70 000 permanents. Pour Claude Bougère, responsable du pôle bénévolat national de l’association, cette intégration de nouveaux bénévoles répond à des évolutions de la société : « Il faut faire avec ces nouvelles formes d’engagement car la société a changé », explique-t-elle. « Aujourd’hui, les gens prennent plus de temps qu’avant pour les loisirs et préfèrent s’engager dans plusieurs associations », analyse-t-elle.

Quelles sont les difficultés pour les associations?

Le bénévolat ponctuel est-il l’avenir de l’engagement ?

Les Restos du Cœur, créé en 1985, a pourtant hésité à proposer des missions « à la carte », notamment à cause du frein organisationnel :

Mais les Restos du Cœur ont sauté le pas. Ils font désormais largement appel aux bénévoles ponctuels pour un certain nombre de missions. Par exemple, pour la Collecte Nationale, se déroulant cette année du 4 au 6 mars, qui a permis l’an passé de récolter 7 800 tonnes de denrées alimentaires. Pour permettre l’accueil du plus grand nombre, les Restos du Cœur ont notamment adapté les horaires de missions pour intégrer ces nouveaux profils de bénévoles.

Benenova pour faciliter l’engagement

Assez tôt, Benenova a senti ces évolutions dans les pratiques des associations. Créée en 2013, l’association se veut comme un facilitateur d’engagement citoyen. Elle propose aux citoyens des missions de bénévolat ponctuel pour des associations partenaires qu’elle teste et valide. Benenova prend en charge la gestion des bénévoles en amont pour éviter cette charge aux associations.

À l’époque, « le constat était double », analyse Alice Madec, directrice régionale de Benenova Paris. « Les associations avaient la nécessité de renouveler les bénévoles. De l’autre côté, des personnes souhaitaient donner de leur temps, mais ne savaient pas vers qui se tourner ». Aujourd’hui, Benenova propose 600 missions par mois à une communauté de 20 000 bénévoles. Sur le site, il est possible de retrouver par exemple des missions de distribution de petits déjeuners avec la Chorba ou de confection de repas avec l’Un Est l’Autre.

Vers la fin du bénévolat régulier ?

Mais assiste-t-on à la fin de cette époque durant laquelle, pour certains retraités, le bénévolat s’apparentait à un travail à plein temps ? Quand s’engager pour les Restos du Cœur, pour la Croix-Rouge, c’était donner une partie de sa vie ?

Non, répond Claude Bougère, la responsable du pôle bénévolat national pour les Restos du Cœur. Elle veut croire à la maxime « bénévole un jour, bénévole toujours », c’est-à-dire au fait que le bénévolat ponctuel peut être une porte d’entrée vers un bénévolat de plus long terme. Elle-même a commencé sur une mission ponctuelle avant de s’engager complètement pour l’association.

« Un modèle complémentaire »

Pour Alice Madec de Benenova, le bénévolat à la carte restera « un modèle complémentaire de l’engagement régulier ». « Les bénévoles actuels sont accueillis par des référents. Sans ces bénévoles récurrents, il n’y a donc rien qui se passe », illustre-t-elle.

Cette tendance va-t-elle combler la baisse tendancielle des participations bénévoles, de 7 % entre 2014 et 2019 ? Cela se pourrait bien puisque, selon le baromètre de France Bénévolat, 85 % des non-bénévoles n’écartent pas de le devenir à condition d’être aidés ou incités.

Théo Nepipvoda

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