Grève des sages-femmes: à quoi ressemble une journée de garde à l'hôpital
HÔPITAL - Les sages-femmes sont en grève les 24, 25 et 26 septembre. L’Organisation Nationale des Syndicats des sages-femmes (ONSSF) réclame “un grand chantier sur les conditions de pratique” du métier, une revalorisation des modes d’exercice ( les salaires et aides forfaitaires) et des conditions de formation révisées.
Parmi les grévistes se trouve notamment Élise, sage-femme en Auvergne et créatrice du compte La.sage.femme. Elle a récemment raconté son histoire sur le réseau social dans une publication très commentée et qui fait notamment écho au hashtag #1femme1sagefemme lancé par Clémentine Sarlat, créatrice du podcast La Matrescence.
Élise revient sur l’une des pires journées de sa carrière. Entre salles de naissances remplies et patientes s’accumulant en salle d’attente, sa collègue et elle sont débordées. Le soir même, elle écrit, épuisée, dans l’espoir de relâcher la pression. Une semaine plus tard, elle poste sur son profil ce récit dans lequel elle décrit les conditions dans lesquelles ses collègues et elle travaillent; et les conséquences pouvant être terribles sur les patientes.
Contactée par Le HuffPost, elle ajoute: “Si je ne disais pas ce qui se passe, ça ne sortirait jamais”.
Sur son compte Instagram, la sage-femme décrit une organisation extrêmement tendue: “Il est 6h45, j’arrive pour prendre ma garde en salle de naissance (SDN). Nous sommes 2 sages-femmes en 12h30 et 1 SF qui réalisent les consultations programmées et urgence de 8h à 15h. Il y a 4 patientes en SDN, en travail. Aucune chambre en maternité n’est disponible. Les patientes qui vont accoucher n’ont donc pas de chambre. 3 césariennes sont programmées ce jour + 2 déclenchements”.
Partage de patients
À deux, Élise et sa collègue se partagent les patientes qui sont déjà présentes. La jeune femme doit s’occuper de trois accouchements en même temps: “Mme X, 2ème bébé, projet d’accouchement sans péridurale, 7cm. Mme Y, 1er bébé, déclenchement en cours. J’accueille dans la foulée Mme Z, qui vient de rompre la poche des eaux et se met en travail.” Cette dernière devra néanmoins rester en salle d’examen puisqu’il n’y a plus de chambre disponible.
En parallèle, le bébé de madame X “a la tête qui passe du rose, au violet puis bleu”. “Le médecin arrive, bébé se décoince spontanément. Ouf”, explique Élise qui précise que tout cela se passe avant midi, que le téléphone n’arrête pas de sonner et qu’il y a encore des patientes en salle d’attente. La sage-femme doit jongler entre toutes les urgences, des locaux trop petits, mais aussi les impératifs administratifs.
“J’essaye d’avance dans mes papiers, en effet j’ai trois dossiers de retard. Je passe plus de temps sur l’ordi qu’en salle”, commente-t-elle.
L’urgence avant tout
De cette journée, Élise retiendra ainsi qu’elle n’a pas pu être présente pour chacune des patientes. Après que sa collègue soit partie, elle dit finalement à une patiente qui est là depuis près de 10 heures que l’accouchement se fera le lendemain et qu’elle ne peut pas le déclencher.
À 19 heures et 10 bébés accueillis plus tard, les sages-femmes de nuit de sa maternité arrivent pour prendre le relais.
Élise explique ne pas avoir été aux toilettes ni mangé depuis le début de son service.“Avec ma collègue plusieurs fois pendant la journée, on s’est dit que c’était la pire garde de notre life, en y réfléchissant, non, j’ai vécu la pire l’an dernier. Mais celle-ci fait partie du top 3″, dit-elle.
“Je suis rentrée dans ma voiture, j’ai pleuré, pleuré de fatigue et d’être mécontente du travail fourni aujourd’hui. De ne pas avoir pu accompagner les patientes comme je le souhaitais et ce qu’elles méritaient. Pourtant, toute la journée, elles m’ont dit merci et ont compris qu’on était dépassées. Mais ce n’est pas normal que vous en pâtissiez vous et votre bébé”, déplore la professionnelle de santé.
Un ras-le-bol général
À travers son compte Instagram, Élise souhaite faire prendre conscience des conditions dans lesquelles les sages-femmes exercent. “Manque de moyens, manque de personnel, heures supplémentaires. Ce que je vous décris là est la triste réalité de beaucoup de maternités françaises. Les conditions de travail actuelles des sages-femmes sont exécrables et pour 1800€ par mois, nuits, week-end et jours fériés inclus”.
Selon la jeune femme, le champ de compétence des sages-femmes s’élargit d’année en année. Mais elle constate que derrière, il n’y a pas de revalorisation des salaires ni de reconnaissance de la part du gouvernement. “Mon métier, c’est ma passion, mais ce jour-là, c’était comme du travail à la chaîne, avec des conditions vraiment pas terribles.” Dans la maternité d’Élise, toutes les sages-femmes sont grévistes. Elle espère de ces jours de mobilisation, plus d’empathie et d’égard envers ce métier majoritairement féminin et au service des femmes et de leurs nouveau-nés.
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Coraline Mercier
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