Tour Auto 2021 : Opel et l'ascenseur émotionnel
Le lundi est rarement notre jour préféré et sur le Tour Auto, il en va de même. Les minutes s’égrènent bien trop lentement dans un Grand Palais éphémère sans intérêt architectural. Peu de lumière, beaucoup de monde, des vérifications techniques qui tardent. Heureusement, les automobiles présentes égayent le tout, par leur plastique, leur rareté, leur densité au mètre carré. Ci et là, une Ferrari 250 GT, une Porsche Carrera 6 ou RSR au milieu du peloton de 356, des BMW plus ou moins bodybuildées des légères 1800 Ti à la M1 Procar en passant par les 3.0 CSL, quelques berlinettes Alpine ou encore de nombreuses Jaguar en tout genre. Mais ça ne suffit pas à accélérer le temps et lorsque la soirée se profile, nous ne traînons pas.
Ça commence mal
Fort de l’expérience de l’an passé et d’un très bon résultat avec une deuxième place de la catégorie, l’équipage Opel partait confiant au petit matin. Malgré de petits yeux dus au réveil à 5 h, les sourires sont présents et tout le monde profite de cette atmosphère particulière, feutrée, dans une cohue ordonnée et silencieuse, chaque équipe poussant sa voiture éteinte vers la sortie, avant de démarrer et de disparaître dans la nuit sous l’œil rêveur d’une centaine de passionnés lève-tôt venus admirer le spectacle.Toujours emmenée par Mélina Priam – journaliste à l’Auto Journal – au volant et Anne-Chantal Pauwels en copilote – rôle qu’elle a tenu en championnat du monde des rallyes – la petite Opel GT s’élance pour une journée de 399 km jalonnés par une épreuve spéciale sur route et le circuit de Dijon Prénois. Le temps est compté sur les liaisons et les équipages n’ont pas le temps de traîner sous peine de débuter le rallye avec une pénalité, certains se servent de l’excuse pour s’affranchir de certaines règles du code la route tandis que la plupart jouent le jeu sans prendre de risque avec la légalité, ce qui, sauf ennui technique, suffit pour rallier les diverses étapes dans les temps. Premières l’an passé de la première spéciale et blindées de confiance, les choses n’iront pas dans le bon sens avec une 11e place et 50 secondes de pénalité après lesquelles nous devrons courir le reste de la semaine. Sur le circuit, même résultat avec une 11e place de nouveau et 5 secondes de pénalité supplémentaires. Si c’est bien à la fin du bal que l’on paie les musiciens, l’ambiance est plutôt entre morosité et colère. Qu’a-t-il bien pu se passer ? On remet tout en cause, de la préparation pourtant sans failles de la voiture par l’équipe 2 HP Compétition – présente pour l’assistance, aux pneus à la mauvaise taille en passant par de tables de régularité pas assez précises alors qu’elles viennent d’être refaites ? Toutes les possibilités sont envisagées, la voiture entièrement vérifiée, les pneus neufs changés et les tables de régularité de l’an passé ressorties du placard.
La régularité, au fait, comment ça fonctionne ?Sur le Tour Auto, il est interdit d’utiliser des outils de mesure numérique et tout doit être fait « à l’ancienne » et le rôle du copilote est au moins aussi important que celui du pilote, les deux devant parfaitement se synchroniser. Pour ce faire, il y a bien entendu le roadbook à suivre puis les tables de régularités et des chronos mécaniques. Les tables de régularité sont déclinées sur chaque vitesse moyenne pouvant être imposée et sont calibrées sur le compteur kilométrique de la voiture en prenant en compte les erreurs de celui-ci. Ainsi les tables affichent, pour chaque vitesse moyenne, la distance réelle et donc officielle du Tour Auto, la distance équivalente affichée par le compteur de l’Opel GT (donc incluant les erreurs de mesure) ainsi que les temps de passage à chaque hectomètre.La copilote donne le rythme avec des « 3.2.1.Top », et la pilote doit passer la centaine de mètres pile sur le top… et ce pendant 15 à 20 km, tout en suivant le roadbook papier. Un travail de métronome ! |
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Demain est un autre jour
Si le circuit de la Bresse voit notre équipage 100 % féminin prendre modestement la 14e place et 7 secondes de pénalités supplémentaires, les deux spéciales du jour sur route fermée seront bien différentes. Entre les changements effectués et l’indéfectible motivation de Mélina et Anne-Chantal, rien ne semble en mesure de leur résister sur la suite de la journée. Ainsi, la 1900 GT se place d’abord 3e sur la spéciale de mi-journée avant de prendre la première place sur la dernière spéciale, chaque fois avec des pénalités suffisamment faibles pour largement remonter au classement général et prendre la première place de leur catégorie. Une journée de 322 km qui s’achève de la meilleure façon possible à Aix-les-Bains, mais personne n’est dupe et l’avance est particulièrement faible, tout juste 4 secondes, pour ne pas se sentir en sécurité.Au coude à coude
Les deux jours suivants verront notre équipage parcourir 446 km entre Aix et Valence puis 289 km entre Valence et Nîmes avec un total de 5 spéciales sur route et une sur le très vallonné circuit de Ledenon. Des routes à couper le souffle tout au long de la journée, ponctuées par des spéciales et systématiquement des attentes de résultats, le nez sur nos téléphones à rafraîchir le site de l’organisateur, et, souvent, à chercher du réseau pour ce faire. Cette course à la régularité, cette recherche de l’excellence dans le coup de volant, dans l’appui sur la pédale de droite pour toujours doser et être dans la seconde à laquelle on doit être se fait avec l’équipage 94 en Lancia Fulvia 1600 HF, vainqueur en 2020. C’est une course dans la course qui commence, ou chacun se rapproche toujours plus du temps parfait, se partageant souvent les 2 ou 3 premières places de chaque spéciale, à coup de quelques secondes seulement, le tout avec un respect mutuel qui force l’admiration.À la fin du 4e jour, après un roulage sous des trombes d’eau à Ledenon, ce sont 18 secondes qui nous séparent des premiers tandis que Mathieu Sentis et Géraldine Gaudy, de l’Argus, prennent une très belle 3e place avec leur BMW 2002 Tii avec 1’20’’ de retard sur notre Opel GT.
Ça passe trop vite
Déjà le dernier jour, l’assistance finit les dernières vérifications, comme chaque matin. Ils sont les premiers le matin, les derniers le soir. Souvent à l’avant, à chercher un endroit où faire le plein si besoin, à attendre les filles peu après la sortie d’une spéciale en cas de besoin pour ensuite devoir reprendre de l’avance. Quelques soucis électriques sont venus agrémenter la semaine, qu’il fallait tenter de résoudre dans les temps impartis par l’organisation, avec succès finalement. Ce sera donc un départ de Nîmes, au pied des arènes que le soleil teinte timidement d’orange à cette heure matinale. Ce qui suivra jusqu’au circuit du Castelet sera particulièrement lénifiant. Tandis que les jours précédents, de superbes routes succédaient à des routes superbes, cette liaison s’effectue quasi dans sa totalité sur autoroute. Le résultat est que nos deux filles ont dû avoir une saute de concentration puisqu’elles ne prennent que la 11e place sur le Paul-Ricard, mais à seulement 3 secondes de l’équipage 94. Trois petites secondes qu’elles reprennent immédiatement dans la spéciale suivante où elles s’imposent, tandis que nous sommes au milieu du public. Ce dernier admire les Mercedes 300 SL et autre modèles iconiques dépassant le million d’euros, mais tous s’émeuvent devant ces quelques modèles populaires que sont la Peugeot 204 de François Allain et Nicolas Guenneteau et la frêle Opel. Nombreux se souviennent untel ou untel qui avait sa baby corvette, qui l’avait adorée. Tous se remémorent ce petit coupé sympathique, accessible, amusant avec plus de plaisir encore que de voir une superbe Ferrari 250 GT Lusso.La dernière spéciale voit cette baby corvette monter sur la deuxième marche du podium, 2 secondes devant ses concurrents directs et donc prendre au final une superbe 2e place du classement général, sur 94 équipages, tout juste 16 secondes derrière les premiers après 1 930 km parcourus et 14 spéciales. Félicitations !