Vaccination contre le Covid-19: priorité aux plus vulnérables

Vaccination contre le Covid-19: priorité aux plus vulnérables

Nombre de doses disponibles, méthodologie des essais cliniques, efficacité selon les populations visées… Les inconnues entourant les vaccins contre le Covid-19 restent nombreuses, mais cela n’empêche pas les autorités de s’engager dans la préparation de la campagne à venir, avant même que les autorisations de mise sur le marché (AMM) ne soient délivrées.

La Haute Autorité de santé (HAS) a elle-même dérogé à ses habitudes pour commencer à élaborer des recommandations bien avant d’avoir toutes les cartes en main. Car ces vaccins, qui n’étaient il y a peu qu’une «hypothèse», représentent désormais «une vraie lueur au bout du tunnel», a lancé lundi la Pr Dominique Le Guludec, présidente du collège de la HAS, en présentant l’avis sur les populations qui devront accéder en priorité à la vaccination. Les autorités sanitaires se doivent d’être prêtes «dès l’arrivée» des vaccins, donc prendre des décisions «avant d’avoir toutes les données» du problème.

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Le «fil rouge» choisit par les membres de la Commission technique des vaccinations (CTV), chargée d’élaborer les recommandations, a le mérite de la simplicité : «protéger en priorité les plus vulnérables et ceux qui s’en occupent, a résumé Dominique Le Guludec. Ceux dont l’expérience nous a appris qu’ils payaient le plus lourd tribut» à l’épidémie. Car si les données préliminaires diffusées par les fabricants indiquent une excellente protection contre les formes graves de la maladie, on ignore en revanche tout de leur capacité à empêcher l’infection par le SARS-CoV-2, donc la contagiosité.

Diminuer le nombre d’hospitalisations et de décès semble à portée des vaccins, mais mettre fin à l’épidémie grâce à eux reste nettement plus incertain. Autre inconnue, l’efficacité chez les plus âgés, dont le système immunitaire est moins efficace. Seront aussi pris en compte les résultats de la «consultation publique sur la mise en œuvre de la vaccination qui se termine aujourd’hui, a précisé la Pr Elisabeth Bouvet, présidente de la CTV. Tout cela est très évolutif, et petit à petit on va voir se dessiner le reste de la stratégie vaccinale». Les décisions reviendront de toute façon in fine au gouvernement. Rendre la vaccination obligatoire n’est à ce jour pas une option privilégiée, la HAS préférant emporter l’«adhésion» de la population grâce aux vertus de la transparence sur l’efficacité et les risques potentiels des vaccins.

«Un tiers des décès ont eu lieu dans des Ehpad»

Deux types de publics prioritaires ont été définis après analyse de la littérature scientifique et des données collectées par Santé publique France. D’une part, ceux qui sont à risque de forme grave du fait de leur âge et/ou de leur état de santé. Concernant l’âge «il est difficile de fixer un “cut-off”, a noté le Pr Daniel Floret, vice-président de la CTV, mais on sait que le risque augmente de manière linéaire à partir 50 ans». Quant aux comorbidités, «un certain nombre font consensus *. D’autres moins, mais elles pourront être intégrées au fur et à mesure» de l’arrivée de nouvelles données scientifiques. Second public prioritaire, les personnes les plus exposées au virus, à commencer par «les professionnels de santé médicaux, paramédicaux, auxiliaires médicaux, brancardiers, travailleurs sociaux et personnels des services à la personne», a listé Daniel Floret.

Vaccination contre le Covid-19: priorité aux plus vulnérables

Trois premières phases de vaccination viseront ces deux types de publics. Sans réelle surprise, les résidents des Ehpad et patients âgés des services de longs séjours ainsi que les personnels de ces établissements présentant eux-mêmes un risque accru de forme grave de la maladie (plus de 65 ans et/ou présence de comorbidité) seront les tout premiers invités à se faire vacciner. «Pour cette phase, nous aurons vraisemblablement un nombre très limité de doses de vaccin et on ne pourra pas vacciner beaucoup de monde», a justifié Elisabeth Bouvet.

Les lieux d’hébergement des plus âgés ont donc été jugés prioritaires, parce que leurs résidents cumulent deux types de risques : une fragilité bien plus grande face au virus, et un risque important d’être infectés car ils vivent dans des lieux où il circule. «On sait que dans ces établissements il y a eu de nombreux cas, des clusters et un nombre de décès considérable : on estime qu’un tiers des décès en France ont eu lieu dans des Ehpad», a plaidé Elisabeth Bouvet. La fragilité de leurs résidents les a en sus obligés à se transformer en places fortes auxquelles n’avaient plus accès ni les familles, ni certains soignants comme les kinésithérapeutes. Obérant plus encore les chances de personnes très fragiles.

Une fois la vaccination proposée aux plus à risque et aux personnels qui s’en occupent, les travailleurs pas nécessairement à risque mais jugés essentiels à l’activité du pays pourront être intégrés à la phase 3, mais «il ne revient pas à la HAS de définir les secteurs indispensables, a glissé Daniel Floret. C’est une donnée politique, non scientifique, qui sera définie par le gouvernement.» Ces trois premières phases concerneront respectivement 840.000, puis 14,9 millions et enfin 17 millions de personnes, et elles devraient se suivre assez rapidement, a précisé Daniel Floret. Mais tout cela est «conditionné par l’approvisionnement en vaccins».

Les phases 4 et 5 en revanche seront «probablement plus tardives». Elles permettront d’élargir l’accès à la vaccination, en commençant par ceux qui travaillent dans des conditions augmentant le risque (contact avec le public, milieu clos, difficultés à appliquer les gestes barrières…) ou qui vivent dans des conditions les rendant particulièrement vulnérables (résidents d’hôpitaux psychiatriques, de prisons, de foyers, publics précaires…) et ceux qui les prennent en charge.

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Progressivement, le reste de la population pourra alors être vacciné. Les femmes enceintes ne sont pour le moment pas concernées, car outre un surrisque non avéré du moins en début de grossesse, «on hésite toujours à les vacciner avec des vaccins que l’on ne connaît pas très bien», note Daniel Floret. Autre public non visé par ces recommandations, les moins de 18 ans, pour une raison légale : les essais cliniques ne les ont pas encore inclus, les AMM à venir seront donc délivrées pour les seuls adultes. Si les plus jeunes sont jugés peu à risque et peu contagieux, «c’est un problème pour les adolescents porteurs d’une comorbidité», convient Daniel Floret auprès du Figaro. Mais les laboratoires finiront par mener des essais sur la population pédiatrique : la réglementation les y oblige.


* Les comorbidités justifiant une priorité dans l’accès à la vaccination telles que listées par la HAS sont : l’obésité à partir d’un indice de masse corporelle supérieur à 30, les maladies respiratoires chroniques en particulier BPCO et insuffisance respiratoire, l’hypertension artérielle, l’insuffisance cardiaque, le diabète, l’insuffisance rénale chronique, les cancers traités de manière récente, le fait d’avoir eu une transplantation d’organes ou de cellules-souches et la trisomie 21.

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