VIDÉO. La Seine totalement gelée, un spectacle de glace hors-normes à Paris
Imagine-t-on la Seine prise dans les glaces, traversable à pied ? Difficilement. Pourtant, ce scénario s’est produit à de nombreuses reprises. Il a effrayé les habitants des maisons des ponts au 15ème siècle, poussé certains Parisiens à tenter la traversée à pied en 1788 ou pris de surprise les contemporains de 1956, attaqués par un hiver frigorifique à Paris.
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« La Seine devient un paquet de cristal »
Le numérique a du bon, mais il aurait été honni en janvier 1868 : « Depuis deux jours, quand on prend un journal, on se prend à songer tout d’abord… qu’il peut servir à allumer le feu », écrit un journaliste du Petit journal contraint de « souffler dans ses doigts » pour écrire.
Mais surtout, cet hiver-là, un spectacle ahurissant s’est offert à tous : « La Seine devient un paquet de cristal. Et les eaux des fontaines publiques offrent des cristallisations bizarres où l’eau congelée est immobilisée sous les formes les plus fantasques. » Des formes méconnues à Paris, même si l’auteur, Timothée Trimm, se souvient d’un hiver 1829 rigoureux.
Dans un historique assez complet des grandes gelées ayant pris le Rhin ou le Rhône, il fait écho au froid de 1768, lors duquel les cloches gelées se brisèrent en sonnant. Mais la grande gelée survenue 20 ans plus tard aura davantage d’impact, à l’hiver 1788-89.
Avant la Révolution, l’orage et le gel affament Paris
L’année 1788 a été un petit enfer météorologique : après la sécheresse du printemps, un orage de grêle peint comme s’il était celui du jugement dernier a frappé en juillet. La liste des conséquences dévastatrices pour la couronne est longue : récoltes dévastées, inflation du prix du pain, de celui du bois… Le tout accentué par un hiver dantesque.
La misère est bien là, dans un royaume de France saigné à blanc par les guerres et le faste royal, quand novembre approche. À la mi du mois, le thermomètre chute : -21 degrés pour Paris. Le vin et la terre gèlent, enterrer les morts devient un effort surhumain. La Seine se fige dès novembre, pendant que les ports de Manche sont pris dans les glaces. Les chevaux peuvent traverser la Seine sur la plaque glacée, ce que les hommes font aussi, oubliant le risque que la glace ne cède et les emporte, comme c’est souvent arrivé.
Ces gelées massives sont terribles pour les Parisiens : le gel arrête les moulins de toutes les rivières. « Les pauvres, qui n’ont pas de réserves de farine, sont réduits à la misère et le prix du pain ne fait qu’augmenter. » La soupe populaire nourrit ceux de Paris qui manquent : la paroisse du faubourg Saint-Antoine, à Bastille, pose 18 marmites pour 125 soupes, quatre fois par jour, réussissant à nourrir 8 000 personnes quotidiennement.
L’aumône s’organise, mais elle ne couvre pas le triplement du prix du pain, aliment de base. Le dégel attendra janvier, après 56 jours d’une Seine entrée dans 1789 en glaces.
1956, le dernier épisode de gel pour la Seine à Paris
Aujourd’hui habitués aux crues de décembre et de juin, les Parisiens sont de moins en moins nombreux à avoir le souvenir de la dernière débâcle de la Seine. Et celle-ci n’a pas eu lieu en 1940, ni même en 1870 : avant de désigner les déculottées des armées, la débâcle définit la rupture de la couche de glace qui recouvre un cours d’eau. C’est Émile Zola, dans son livre éponyme, qui a popularisé La Débâcle comme humiliation militaire.
1956 marque le dernier grand gel de la Seine, deux ans après l’hiver qui avait poussé l’abbé Pierre à lancer son appel à « l’insurrection de la bonté » face aux drames des sans-abris et mal-logés morts de froid. À la masse et à la pioche, les hommes tentaient de briser la glace pour extraire les barques du fleuve. Une situation particulière que Paris n’a plus connue depuis, mais qui est survenue à Ponthierry (Seine-et-Marne) en 1956 et 2006.
VIDÉO. Images de la Seine gelée en 1956, diffusées par l’INA :
Quand la Seine gèlera-t-elle à nouveau dans la capitale ? Impossible de le prédire 65 ans après le dernier épisode. Seule certitude : au 19ème siècle, ce phénomène survenait quasi régulièrement, tous les 15 ans. Une fréquence sinusoïdale qui a perdu son rythme. Ce que le changement climatique pourrait faire revenir, les chaleurs atténuant le débit du fleuve tandis que l’extrême météorologique inverse pourrait favoriser les hivers violents.
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