La COP26 et le Pacte de Glasgow, une avancée insuffisante
Comment évaluer l’apport de cette COP et du Pacte de Glasgow ?
La réponse dépend des attentes. L’objectif de chaque COP n’est pas de résoudre l’insuffisance de l’ambition mondiale mais de faire progresser les engagements multilatéraux et leurs règles de mise en œuvre. Le succès d’une COP doit donc être évalué en termes des progrès depuis la situation qui la précède vers l’objectif de limiter les impacts du changement climatique. L’un des objectifs de cette 26e COP était néanmoins de faire le point sur les progrès accomplis depuis l’Accord de Paris.Soyons clair, les engagements pris en amont et à cette COP sont insuffisants pour s’aligner avec l’Accord de Paris et son objectif de limiter le réchauffement climatique à 1.5°C. Premièrement, tous les pays n’ont pas revu leurs engagements de réduction de gaz à effet de serre à la hausse, notamment la Chine, l’Inde ou l’Australie. Pour leur part, les pays développés n’ont toujours pas adopté d’objectifs suffisamment ambitieux (USA alignés avec 3°C de réchauffement, l’UE avec 2.3°C, Canada avec 3.4°C) et n’ont pas tenu leur promesse de financement envers les pays en voie de développement pour l’adaptation au changement climatique et de l’atténuation des émissions.L’un des points de blocage a aussi été le manque de volonté de pays développés, dont l’UE et les USA, d’accepter la mise en place d’un mécanisme pour décider de la compensation des impacts climatiques liés principalement, pour l’instant, à leurs émissions historiques. Cette demande dont la reconnaissance progresse sera au programme des deux prochaines COP et devrait continuer de conditionner les engagements des pays les plus affectés.
Des progrès notables...
Un progrès important est l’appel dans la Décision de la COP26 à réduire l’utilisation du charbon "non compensé" et les subventions "inefficaces" aux énergies fossiles. Si la Chine et l’Inde ont bloqué à la dernière minute un appel à la sortie du charbon, la discussion sur la fin des énergies fossiles est engagée et le message envoyé à la société civile et aux entreprises sur la direction du monde est clair. C’est en effet la première fois qu’une décision mentionne explicitement les énergies fossiles.En marge de la COP, plusieurs groupes de pays ont séparément adopté des engagements volontaires de fin de la déforestation et de réduction d’émissions de méthane de 30% à 2030, et la fin des subventions aux énergies fossiles à l’étranger à partir de 2022 dont la mise en œuvre sera cruciale pour atteindre l’objectif 1.5°C.
...encore très insuffisants
Au final, les politiques actuelles nous mènent vers un réchauffement de 2.7°C, les objectifs nationaux à 2030 permettraient de limiter le réchauffement à 2.4°C, et même 2.1°C si les engagements long-terme de décarbonation complète sont tenus (ceux-ci sont souvent vagues et non transcrits dans les lois nationales). Enfin, l’interprétation la plus optimiste des annonces d’initiatives (non légalement contraignantes) faites en marge de la COP reste sous 1.9°C.Les émissions attendues des engagements à 2030 restent deux fois supérieures à celles qui nous mettraient sur le chemin vers 1.5°C. Cette COP et les annonces qui s’y rattachent sont très insuffisantes au vu de l’enjeu climatique global et beaucoup plus d’efforts seront nécessaires pour pouvoir réaliser l’Accord de Paris.
Mais l’espoir persiste !
Cette possibilité de succès, qui se réduit d’année en année, constitue cependant un motif d’espoir et un certain soulagement au vu de la situation tant diplomatique que climatique d’avant la COP26.Le Pacte de Glasgow adopté à cette COP marque plusieurs avancées. Tout d’abord, l’objectif de 1.5°C est clair et réaffirmé et le processus multilatéral nécessaire, quoique lent et insuffisant, reste en vie malgré les tensions diplomatiques internationales et l’opposition de beaucoup d’Etats à l’action climatique. Les pays ont reconnu l’insuffisance de leurs objectifs respectifs et se sont engagés à les corriger collectivement tout en rééquilibrant la contribution à l’atténuation des émissions et celle vers l’adaptation (25% du total pour l’instant). La finance manquante de la part des pays développés devra être compensée dans les années à venir et les engagements nationaux de réductions de Gaz à Effet de Serre pourront être mis à jour annuellement, et non tous les 5 ans comme précédemment (même si l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont directement annoncé leurs désengagements habituels).
Cette COP a aussi permis l’adoption du "guide de mise en œuvre de l’Accord de Paris" (Paris Rulebook) négocié depuis 5 ans, dont les règles de marché carbone entre Etats d’une part et en interne d’autre part. Si les règles de ces marchés assurent pour l’essentiel que ces échanges mènent bien à des réductions globales des émissions, certaines utilisations notamment par le secteur aérien pourraient saper l’intégrité du marché. Ces règles sont donc une base utile mais insuffisante que les législations voire les cours de justice nationales devront renforcer.La COP27 sera donc à nouveau le lieu d’évaluation des progrès dans la provision de finance et de mise en œuvre de mesures d’adaptation, de négociations d’un mécanisme pour compenser les pertes et dommages ainsi que des négociations du relèvement des objectifs nationaux. En parallèle, les pays doivent faire la démonstration de la viabilité de leurs engagements existants et des solutions qu’ils promeuvent, notamment via le nouveau marché carbone dont l’efficacité reste à démontrer.Les sociétés civiles, les acteurs locaux ainsi que les entreprises doivent également définir les contours de ce que peuvent être des transitions justes pour que les COP deviennent de plus en plus le lieu de partage de solutions pour accélérer la transition.
Texte et photo : Yann Robiou du Pont.