Deuil périnatal : le témoignage de Claire

Deuil périnatal : le témoignage de Claire

Claire raconte, en témoignage, le drame qu'elle a vécu. Alors qu'elle est enceinte et proche du terme, une rupture utérine survient. Son bébé souffre alors d'un manque d'oxygène fatal et la petite Castille nait pour décéder quelques jours après. Une épreuve terrible que cette "mamange" raconte de façon bouleversante. Comment elle a du dire au revoir à sa toute petite fille, comment elle a du continuer à vivre et surmonter ce drame. Aujourd'hui elle témoigne pour toutes les mamanges qui souffrent en silence.

Claire est mariée, elle est maman de 3 enfants, de 3 filles dont une dit-elle estau ciel. Il s'agit de Castille. Elle a vu le jour il y a 4 ans et elle est pas restée très longtemps sur terre.

Claire, est-ce que vous voulez bien nous raconter votre histoire ?

Alors j'étais une femme qui travaille, c'était ma 3e fille, donc je travaillais, j'avais un métier... très prenant, j'étais, je suis dans la publicité enceinte de mon 3e enfant. Une grossesse assez fragile, c'est à dire déjà au départ, une grossesse fragile. J'étais très fatigué. Beaucoup, beaucoup de responsabilités, beaucoup de travail. Et donc je pars en congé maternité, et là le jour des 40 ans de mon mari. Je sais pas, 15 jours après... J'ai des douleurs au ventre que j'avais déjà avant. J'avais prévenu mon médecin, mon gynéco, des douleurs. On m'avait dit, c'était des douleurs ligamentaires, donc je m'étais pas inquiétée plus que ça. Ma sœur avait quand même fait venir - ma sœur - une sage femme parce qu'elle trouvait ça bizarre.

Donc du coup, la sage femme était venue. On avait fait une échographie, est déjà là, on avait vu que j'avais un placenta accreta. Donc que je risquais d'avoir une hémorragie lors de l'accouchement qui était prévu par césarienne, 3e césarienne et que je risquais déjà de perdre l'utérus. Après, je m'étais dit : "C'est pas grave, 3 enfants c'est déjà énorme". De toute façon, c'est surtout l'obstétricien qui sera ennuyer si j'ai une hémorragie le jour de l'accouchement, et au moins il sera prévenu donc. J'étais pas plus inquiète que ça. Et ce jour du 16 mars, j'avais très très, très mal au ventre.

J'étais avec ma mère. Mal de plus en plus fort et on a toujours peur lorsqu'on a mal quelque part, de déranger les pompiers ou le samu pour rien. Enfin moi, c'est ça. Je fais partie de ces personnes et là en fait ma mère me dit : "Mais est-ce que tu veux que j'appelleles pompiers? Et là en fait ce qui m'a coupé l'herbe sous le pied, c'est ma douleur, c'est à dire je pouvais même plus parler donc en fait j'ai dit voilà j'étais séchée un peu. Donc les pompiers arrivent. C'était une douleur donc ligamentaire, donc en bas du ventre de chaque côté. Et qui était vraiment très vive donc les pompiers arrivent. Je vais dans le camion des pompiers, donc là j'ai toujours très mal. Ils savent pas ce que j'ai et ils n'arrêtent pas de me demander mon numéro de sécurité sociale, j'ai envie de dire.

Mon mari pose la main sur mon ventre : "Je pense qu'il y a du sang à l'intérieur"

Après je pense qu'il était un peu dépassé mais bon j'avais de plus en plus mal. Mon mari arrive, il pose la main sur mon ventre et là il me dit. "Ah, je, je pense que y a du sang à l'intérieur", donc moi j'étais un petit peu dans les vapes. Il téléphone à mon médecin qui lui dit, "Ah, ça doit être une rupture utérine, Elle doit faire une hémorragie interne". Du coup, le SAMU arrive. J'avais comme une boule de feu dure dans le ventre et là, euh. Je voulais qu'on m'aide et personne ne m'écoutait. C'était pendant le samu, ça a duré 2h donc bon voilà donc je pensais même plus à Castille, je pensais juste à cette douleur que je voulais qu'on enlève, c'était assez compliqué et c'est ce qui est bizarre, c'est qu'on se dit toujours, quand on souffre beaucoup, on tombe dans les pommes. Et là, je ne tombais pas dans les pommes, je ne défaillais pas, il y avait une force, quelque chose qui m'empêchait de partir, c'était très étrange jusqu'au moment où dans le camion des pompiers, je me suis un peuagrippée au médecin en lui disant, mais aidez-moi de façon un peu... raide. Et il m'a dit : "Elle va me lâcher la blouse !". Et en fait là, j'ai en fait, je me suis évanouie, je l'ai su après, mais je pense que j'avais lâché donc je suis arrivée à l'hôpital ils m'ont fait une échographie tout de suite. Et là j'entends, il y a du sang partout, il y a du sang partout et bizarrement j'avais pas mal au ventre lorsqu'on me l'a touché. Pour l'échographie, l'anesthésiste, je pense, arrive avec un masque sur mon visage pourm'endormir et là je lui enlève extrêmement brutalement parce que j'étouffais. Et coup, quand vous étouffez, vous voulez vous redresser. Et là, le médecin du Samu, donc maintenait ma tête allongée en bas donc je comprenais pas moi puisque je dis il le sait j'étouffe donc j'ai essayé de me redresser pour respirer mais lui me tenait et en fait il maintenait mon irrigation parce que je pense que je perdais tellement de sang que j'avais plus de sang dans la tête donc voilà et après il est revenu avec son masque d'un geste ça m'a frappé extrêmement doux.

Après donc je suis arrivée, j'étais à 2 mg de hémoglobine. Euh, et je me réveille donc. En salle de réveil. Et là on me dit, votre fille est née, on vous a enlevé l'utérus, on vous a transfusée au maximum et vous avez failli mourir parce que apparemment, on avait dit à mon mari que il avait 3% de chance de me retrouver vivante. Donc après je me suis dit, Bon, c'était un peu sportif, ma fille est née, tout va bien. Bon, ça va être un peu long, mais tout va bien. Ensuite je passe de la salle de réveilaux soins intensifs au bout de quelques jours, donc j'avais toujours pas vu ma fille, mais ça me manquait pas trop parce que je comme toutes les mamans je pense, je me disais la suite va être quand même sport, il vaut mieux que je prenne des forces là maintenant que je dorme, que je reprenne des forces. Et après, je serai apte à m'occuper de ma fille.

Voilà donc en fait, elle est née le mercredi et le samedi après-midi. J'ai pu la voir. Donc j'étais en fauteuil roulant, avec de l'oxygène, des drains, donc voilà, j'étais vraiment diminuée, on va dire et j'arrive dans sa petite chambre et là je la vois mais tellement mignonne. Là, j'étais tellement fière. J'avoue, j'étais extrêmement fière, je la trouvait grasse, bien grassouillette. Je la trouvais vraiment belle, tellement mignonne.

Je n'avais qu'une envie, c'était de la prendre dans mes bras

Donc voilà donc je la trouve merveilleuse. J'avais qu'une envie, c'était de la prendre dans mes bras. Évidemment, c'était pas possible. Et là, je commence à comprendre que c'est pas évident et j'ai beau ne pas avoir fait médecine. Je regarde donc, elle était branchée et cetera, mais elle bougeait, elle avait des petits yeux ouverts, elle bougeait, c'était un vrai bébé. C'était un bébé vivant avec ses petits pieds, ses petites mains, elle ouvrait... Les 2 seules choses qui m'ont un peu alertée, c'était elle avait sa petite langue comme ça, en dehors de la bouche. Donc là je me suis dit, Bon c'est peut être juste un petit défaut, c'est pas très grave et c'est surtout sur un des graphiques je sais pas trop comment ça s'appelle, ça faisait ça une ligne. Une ligne... Et là je me suis dit, C'est pas très bon signe ça quand même je pense, mais pas envie d'y croire, pas envie de regarder, je me suis dit, Bon, c'est peut être normal. Le responsable de l'étage de néonat arrive, le pédiatre.

Et je lui demande un peu phrase bateau, donc tout va bien et il m'a dit, Ah non, tout ne va pas bien ? - "Non ! Risque de mort ou de handicap grave". Alors là, évidemment je pleure, je lui dis, Ah oui quand même. Mais bon, je m'y attendais pas du tout quand même. Enfin c'est un peu un coup de massue. Donc voilà et là on m'explique que j'ai eu du coup une hémorragie interne. Donc comme le bébé à l'intérieur du ventre et oxygéné par le sang, le fait d'en avoir perdu beaucoup laelle a manqué énormément d'oxygène donc du coup il faut faireUn IRM pour vérifier si tout va bien et le soir même de sa naissance elle avait fait des convulsions. Euh c'est un peu un coup de massue et je voulais pas y croire. Je me suis dit ça ça non, je suis sûre qu'elle va guérir en fait. C'est, c'est un moment, un mauvais moment à passer. Les médecins sont toujours là à en rajouter. Ils sont très pessimistes. Moi je suis sûr que Regardez la preuve. Moi je suis là. Non non non non, non non, et doncj'ai commencé à la voir comme ça dans sa petite couveuse, ensuite dans mes bras, dans un couffin, enfin, dans un oreiller, et ensuite je me suis dit, Mais quand est-ce que je peux la voir? J'étais obnubilée, il fallait que je l'ai sur moi dans mes bras et tout le monde : Non c'est pas possible, c'est pas possible, elle est trop fragile, on attend. Donc ça, c'est l'histoire de Castille, mais en parallèle, il y a mon histoire à moi, c'est à dire que quand on est maman et qu'on accouche, c'est jamais évident. Sauf pour certaines personnes et là, sans rentrer dans les détails, on a quand même son corps qui est meurtri. On va dire vraiment meurtri de tous les côtés.

Deux combats à mener car on a le corps meurtri

Bon c'est 2 combats à mener différents, c'est très, c'est très étrange mais bon il faut les mener donc on y va et il y a une chose qui m'a fait énormément souffrir, c'est les drains. J'en avais 2. Et j'avoue que lorsque l'infirmière est venue en disant, on va les enlever. Je savais pas trop ce qui m'attendait et là j'avoue, je m'en souviendrai toute ma vie. Ça a été épouvantable, donc ça, c'est en fait la différence entre votre enfant qui va mal, qui est fragile, sa vie étant en jeu. Et la vôtre, alors votre vie n'est pas en danger. Vous avez quand même un choc d'avoir vécu quelque chose de compliqué. Plus votre corps qui est meurtri en fait, on est un peu perdu, on sait plus trop... plus trop comment s'appelle. Donc le lundi vient l'IRM. Et je sais pas, je l'attendais, je dis, il fallait absolument l'IRM, l'IRM, l'IRM,je pensais qu'à ça et je me suis dit en fait j'attendais l'IRM comme si c'était quelque chose... Ils vont me dire que tout va bien, c'est très bien, et cetera. On va sortir très rapidement très très très très rapidement on va pas rester là des heures, on a le résultat donc le mardi résultat de l'IRM. Donc Timothée revient, on va au service de néonatalité et là on voit la tête, le visage des expressions de toute l'équipe qui était très sombre, très fermée. Timothée me dit, c'est très mauvais signe et jusque là tu te dis non, pas nous, pas ma fille, c'est pas possible. Et là ils nous disent : -Euh donc Castille a manqué d'oxygène son cerveau. Et le noyau du cerveau est brûlé. Elle a 10 % de son cerveau qui marche. En petites taches, c'est à dire 1 %, 2 %, 4 % et cetera.

Les médecins nous disent : "il faut la détuber"

Donc c'est vraiment une catastrophe. Une catastrophe. Ils m'ont dit, elle ne pourra pas respirer seule, pas manger seule, elle ne tète pas, elle pourra pas marcher. Elle ne pourra pas vivre en fait. En gros, je sais même plus ce que j'ai ressenti du jour-là, si, je crois que j'étais sonnée. Oui, sonnée, épouvantable. Je crois que dans ma chambre j'ai hurlé "j'ai pas envie qu'on m'enlève mon bébé" simplement. Et on nous dit, on va la détuber et il faut que vous choisissiez le jour. Je choisis pas le jour. Enfin je veux dire : déjà, on me dit que ma fille va mourir et qu'elle ne peut pas vivre, qu'elle est handicapée moteur tout très très lourd, et en plus il faut que je choisisse le jour.En plus il faut la détuber.

Enfin là je savais plus trop, je comprenais pas et comme on est catholique je voulais pas qu'il se passe quelque chose qui me dépasse justement. Donc du coup j'ai demandé à rencontrer l'aumônier de l'hôpital parce que chaque religion a son aumônier dans l'hôpital pour respecter ses traditions, ses cultures. Donc ça, je trouve ça vraiment bien et lui m'a rassurée. Il m'a dit, non, non,c'est de l'acharnement thérapeutique. Donc il m'a dit non, non, soyez, soyez rassurée de ce côté-là. C'est, du côté de votre religion, c'est de l'acharnement thérapeutique, c'est à dire que s'il y avait eu 1%, même un peu moins d'espoir qu'elle vive même handicapée, on l'aurait pas détubée, mais là il y avait aucun espoir. Donc voilà, du coup, on l'a fait baptiser. Le lendemain donc à l'hôpital, et ça, contre toute attente, c'était un moment, pas de joie, mais c'était un moment de vie. C'est à dire que j'étais contente parce que ma famille, donc normalement je pouvais voir personne et Castille non plus. Et là, mes parents. La marraine de Castille, mes sœurs, ont pu venir. Et c'était vraiment pour moi à une espèce de respiration. C'était faire rentrer la vie là où il y avait la mort et j'avoue que ça, ça m'a énormément touchée et que mes proches puissent la voir, la toucher, la caresser et la connaître en fait tout simplement, c'est à dire créer des souvenirs avec elle. C'était très très important pour moi et j'avoue que j'étais très contente après, bon, c'était pas un moment merveilleux. Mais bon, ça fait parti des souvenirs sympas, franchement donc voilà.

Annoncer à mes filles que leur petite soeur va très mal

Après il a fallu et là... Pour continuer dans dans les épreuves, on va dire, l'annoncer à mes filles qui, elles, ont pu rencontrer leur sœur. Donc une fois donc je leur avais prédit... Je leur avais dit : "Votre petite sœur est toute petite, elle est née un peu trop tôt, elle est très très fragile, elle est extrêmement fragile"..., mais après je pense que moi j'ai eu la même réaction de mes filles se dire oui, oui oui bon, elle est fragilise," entre vous et moi, tout va aller bien". Et là, donc, elles l'ont vue. Elles ont pu, grâce à des infirmières extraordinaires, vraiment d'une gentillesse, d'une patience extraordinaire, la prendre dans leurs bras. Donc ça, c'était merveilleux, avec tout le protocole médical qu'il faut, c'est à dire les petits tuyaux, la morphine... et après on a été dans une pièce seuls tous les 4, donc mon mari, mes deux filles et moi. Et là, on leur a annoncé.

Et là, pour une mère, c'est enfin pour un père aussi, mais là je parle en tant que moi maman. C'est épouvantable. C'est d'une violence, mais sans nonparce que là, non seulement votre fille va mourir, mais en plus, vous devez, quelque part, tuer vos enfants. Enfin je veux dire, c'est un une douleur mais épouvantable et c'est vous qui l'administrez, mais épouvantable. En plus elles ont eu chacune évidemment une réaction différente. Je pense pas être professionnel pour avoir les mots, pour répondre à toutes leurs interrogations, pour calmer leur douleur. C'était d'une violence, c'est un enchaînement de douleurs, donc elles ont compris.

Après, on est retournés voir Castille. Toujours suivis de la psychologue parce que c'est obligatoire et tant mieux parce que y'a des moments ou on est un peu démuni. Elles ont pu donc embrasser leur sœur. On y a pas eu de dire au revoir à sa sœur ou quoi. Je pense que elles l'ont juste embrasser, caresser, regarder. Et elles sont rentrées à la maison.

On a demandé : "Est-ce qu'elle souffre ? "

On a demandé si Castille souffrait, on nous a dit oui. Et du coup mon mari a dit : "en fait, on la détube le plus rapidement possible, on va pas la garder pour nous égoïstement alors qu'elle souffre". Et du coup ils nous ont dit"Très bien le lendemain le jeudi". OK, donc du coup le lendemain matin on est venus la voir, on nous a dit "allez déjeuner, on fera ça après-midi" OK très bien, donc on a obéi, on a été déjeuner.

En faitce qui est difficile c'est que lorsque on détube votre bébé, vous savez pas en combien de temps il va mourir. Et ça c'est des choses auxquelles on ne pense pas, c'est à dire on on n'est pas prêt, on nous explique pas... Après vous me direz ça concerne pas le commun des mortels et heureusement mais j'avoue bon. Euh j'y avais pas pensé. On la détube.. Là, j'ai laissé mon mari parce que là pour le coup. Si je pouvais pas, c'était trop compliqué. Il a voulu la prendre dans ses bras pour l'accompagner donc j'ai rien dit. Je me suis dit : bon, je l'ai porté 9 mois. Enfin 8 mois, donc je peux lui laisser ça. Elle a fait un premier arrêt cardiaque et là mon coeur a bondi en disant "Ah non non non elle est pas déjà morte non non non et non." En fait elle a elle a repris vie et là on me l'a mis sur moi. Et c'était la 2e fois que je l'avais dans mes bras, vraiment avec moi et là j'étais complète. C'est ça m'est jamais arrivé à ce point là d'être complète. Vraiment.

J'étais en osmose avec ma fille et jusque encore à ce moment-là, avec mon mari, on se disait : là, elle dort, je l'ai même dit à l'infirmière, je me suis dit mais quitte à passer pour une folle. Ne vous inquiétez pas, je pense que là, elle dort, personne ne le sait, mais elle va se réveiller. Tout va bien aller et elle me dit : "non, non, elle est dans le coma.- Une façon de parler, ne vous inquiétez pas, je... non. C'était jusqu'à la dernière seconde, alors après là ça a été assez difficile. Parce que elle a fait plusieurs arrêts cardiaques. On me demandait si je pensais qu'elle souffrait. "Je ne sais pas. Enfin, je veux dire et c'est délicat qu'on vous demande ça en tant que maman. Ben j'espère pas en fait, j'espère que on donne tout ce qu'il faut à votre enfant. Donc voilà, elle a fait 7 arrêts cardiaques, je crois que ça a été. Voilàc'est inhumain. Franchement. Et puis elle est partie, voilà. Et je ne voulais pas. Je voulais être sûr qu'elle soit morte à 100%, donc ça, ça peut paraître un peu étrange.

En fait, même à l'hôpital, je m'étais dit, Ah, je peux quand même leur dire que c'est mon, c'est mon angoisse que d'être bien sûre sûre sûre sûre je ne l'abandonne pas jusqu'à la dernière seconde. Et j'avais dit, je veux qu'on fasse une échographie de son petit cerveau enfin de sa petite tête pour être sûr. Alors au début, ils trouvaient ça étrange. J'ai dit : "écoutez, vous respectez les coutumes de chacun, moi, c'est pas une coutume, c'est juste... je sais pas. Un désir de maman. Et voilà. Et ils ont été hyper sympas parce qu'ils l'ont fait, ils sont venus et ils m'ont dit que c'était fini.

J'aurais voulu la garder encore avec moi

A ce moment là, ce n'est pas dur pas du tout, c'est hyper bizarrement. J'étais pas soulagée, ce qui est improbable, c'est queje l'avais dans mes bras. En fait, on a enlevé tous ses petits tuyaux. Et je pouvais enfin jouer avec ma poupée sans le côté morbide ou atroce que les gens pourraient imaginer, mais... J'avais mon petit bébé dans mes bras tout petit, je pouvais la câliner, la prendre, la soulever un peu comme si elle dormait finalement, oui. Donc j'avoue non non, c'est un moment où je je pense que je réalisais pas, j'étais. Et complètement. Oui, j'étais, je pense, sonnée. Et en fait, l'infirmière et mon mari me disent, bon, on va peut être la laisser? Bah non, en fait, j'avais pas du tout envie. Pour une, ça faisait une semaine que j'attendais de l'avoir dans mes bras. Là je l'avais dans mes bras je l'embrassais. Je pouvais enfin jouer avec mon bébé. J'avais envie de ce petit moment avec elle et j'avoue que... "On va la laver" donc.

On a toujours des regrets, on peut pas... mais là j'aurais voulu leur dire : "non". "En fait, on n'est pas pressé, ça ne coûte à personne. Enfin, personne n'est pressé. J'aurais voulu la garder avec moi. Ça mais bon voilà et donc. L'infirmière était très gentille, vraiment très délicate. C'était une maman, une infirmière qui était maman d'handicapé. vraiment très très gentille. Je crois qu'elle s'appelait Marie Hélène, vraiment très délicate et donc elle a fait la petite toilette de Castille.Donc voilà donc, après elle est partie à la morgue et j'ai demandé une seule chose, c'est qu'elle n'ait pas de drap sur son visage. Voilà juste par parce que moi, je, je, j'aurais pas aimé en fait, je n'aime pas du tout l'idée que ce soit tabou, que ce soit. Triste ou que ce soit... quelque chose de pas joli.

Est-ce pour vous un sujet tabou ?

C'est une petite fille, c'était un bébé, elle était jolie, elle était non non, c'est pas du tout tabou, j'aime pas du tout l'idée que ce soit tabou. En fait c'est pas parce que on en parle que ça va arriver aux autres, ça n'a rien à voir donc non je trouve c'est très important d'en parler. Justement, ça a été un cheminement là ça fait 4 ans, ça a pas été la même chose au tout début que maintenant c'est à dire que ça a évolué, je pense que ça évoluera encore et je pense que chaque mère en parle et le vit différemment. Chaque famille, moi, je sais que il y a beaucoup de personnes bien intentionnées ou pas, je sais pas qui me disaient : "Il faut pas que tu en parles trop déjà. C'est dérangeant. Ensuite il faut pas que tes enfants vivent avec ça. Cette espèce de chape de plomb, de culpabilité, mais personne ne parle de chape de plomb, c'est à dire que elle a existé. Il y a eu un accident, c'est un orage dans un ciel de beau temps d'un ciel d'été. C'est imprévisible et c'est catastrophique.

Une rupture utérine, c'est comme ça non, j'aime bien l'idée qu'on en parle, qu'elle fasse partie de la famille, mais après je ne voulais pas que mes enfants... Que ce soit pesant, c'est à dire il y a pas son couvert à table ou des choses comme ça, c'est à dire que elle est parmi nous. Elle sera dans un papillon, dans une étoile, dans un signe, du vent, mais c'est pas pesant. Je voulais pas que ce soit pesant. Après au tout début, c'est compliqué. Le premier mois je me souviens, j'arrivais pas quand vous pensez à quelqu'un, vous arrivez avec la visualiser et moi Castille.

J'étais comme morte intérieurement

J'ai eu la chance de la connaître il y a des mamans qui ont pas eu la chance de connaître leur bébé ou de les voir ou pas eu l'envie. Et moi, j'ai eu la chance de la voir, de la connaître, de vivre avec elle, de la sentir et pendant le premier mois après sa mort, j'étais perdue parce que j'arrivais pas à la visualiser. J'étais comme morte à l'intérieur, je j'étais perdue, j'avais et au fur et à mesure. Je l'ai, j'ai regardé ses photos parce que je n'arrêtais pas de prendre des photos, ce que je me suis dit, il me restera que ça. Donc j'avoue que j'ai pas arrêté de de faire des photos, des petites vidéos, et cetera. Et au fur et à mesure, ma relation à elle a changé, c'est à dire que j'ai voulu, je pense, je me suis créer une relation avec elle, différente. C'est à dire oui, elle est morte. Oui, elle reviendra pas, mais elle est quand même vivante dans, c'est ce que je te disais dans dans la nature, dans tout ce qui est léger, beau, une étoile, un signe,quelque chose.

Il n'y a pas de mot pour appeler un parent qui a perdu un enfant

Cette expression de "mamange" qu'on entend souvent dans les dans les discussions de femmes qui ont vécu ça. Elle te semble juste ou pas, c'est en fait ça. Si c'est un petit ange ou pas. Je sais pas si c'est un petit ange en tout cas. C'est un petit enfant qui est très pur et qui est mort. Donc oui, c'est un ange quelque part. Après il n'y a pas de mots pour décrire des parents qui ont perdu des enfants. Donc quand vous perdez votre mari, vous êtes veuve, vous êtes veuf, mais vous êtes orphelin. Mais une mère qui perd son enfant ou un père qui perd son enfant, il y a pas de mots, donc je trouve ça assez juste que ça a été inventé, mamange on aime ou on aime pas mais ça existe et c'estjoli. Après pourquoi pas mais je connaissais pas ce terme.

Et c'est vrai que je trouve ça vraiment agréable, que, au fur et à mesure du temps ce soit moins tabou qu'on en parle parce que lorsque moi ma fille est morte, je me suis dit plusieurs fois : "Mais où sont les parents qui ont vécu ça ? où sont-ils ?" alors j'en ai jamais entendu parler, jamais vu. J'avais entendu parler de personnes qui avaient perdu des enfants et c'est grâce à Instagram ou j'ai pume créer une petite communauté de parents qui avaient perdu leurs enfants sans avoir... cette espèce de honte de choquer cette espèce d'angoisse, d'être mal jugée, mal regardée, et j'avoue que ça m'a énormément aidée de pouvoir mettre des photos de ma fille morte sans que ça choque ou que ça dérange.

Que diriez-vous à une femme qui a connu un deuil périnatal ?

C'est très compliqué. J'ai déjà pensé plusieurs fois. Si elle vient vers moi vraiment, et qu'elle me demande des conseils, c'est lourd de sens, c'est à dire. C'est une grosse responsabilité. Après, je pense que je répondrai comme aux mamans qui m'ont téléphoné ou qui m'ont envoyé des mails, je leur répondrai en fait, voilà ce que moi j'ai fait. Voilà les adresses où j'ai été, les personnes que j'ai rencontrées. Ça fait 4 ans que je me bats vraiment. Le mot est pour essayer de m'en sortir et voilà le chemin que j'ai parcouru. Après libre à toi de prendre, de faire ou de voir ce que j'ai fait. Mais quand vous retournez chez vous, vous avez tous ces détails, vous avez la chambre de l'enfant, la poussette, les vêtements. La vie de tous les jours, les phrases désagréables, les regards, les réactions.

Vous vous savez plus comment vous vous appelez, qui vous êtes. Et moi je sais que j'ai voulu me battre pour mes 2 filles pour m'en sortir et je me suis dit que j'y arriveraisjamais toute seule. J'ai demandé s'il y avait pas un psychiatre pour me suivre parce qu'en fait on pense pas assez au fait que tout le monde n'a pas l'argent à mettre dans un psychologue toutes les semaines pour un suivi qui est quand même médical. Enfin j'ai été voir des psychologues. Ça s'est soldé de façon assez catastrophique, ça ne convenait pas du tout.

Jusqu'au jour ou j'ai entendu d'une association qui s'appelle SOS Préma. Et le vendredi,une psychologue qui s'appelle Myriam écoutait les parents d'enfants prématurés en deuil et enfin gratuitement et de façon anonyme au téléphone le vendredi. Donc. Du coup Je l'ai appelé. Première fois, je suis pas tombé sur elle, elle était déjà avec d'autres personnes, donc j'ai réitéré la semaine d'après donc c'était long, mais j'attendais ça un peu comme une "date". Je me suis dit Bon, je vais avoir ce rendez-vous et ça a été extraordinaire. Un déclic. Elle m'a fait un bien fou, ça a été extraordinaire, elle m'a comprise, c'est à dire je lui racontais des choses tout de suite. Elle a eu le clic, elle a su m'expliquer, mettre des mots sur des ressentis, ça a été extraordinaire.

La prise en charge psychologique ? Elle devrait être remboursée !

C'est extrêmement important. De parler et de proposer une aide remboursée aux parents qui vivent des choses épouvantables parce qu'on n'a pas tous les moyens de payer une psychologue toutes les semaines parce que c'est toutes les semaines. Moi, ma psychiatre, c'était toutes les semaines. Elle était extrêmement disponible par WhatsApp, par texto, elle a été vraiment d'une gentillesse. Elle était présente, c'était vraiment exceptionnel et après, c'est un mal. Enfin je veux dire, c'est médical, c'est un soin donc. Je sais pas si je me suis bien exprimée, si j'étais bien claire, mais je trouve quand même que c'est quelque chose qu'on qu'on devrait proposer aux parents qui sont dans ce cas-là. Moi, j'ai eu la chance de tomber sur cette psychiatre, mais au bout de 6 mois. - Il faut chercher, chercher, - voilà rencontrer des gens exactement, pas hésité à claquer la porte si on se sent pas du tout à l'aise avec une psychiatre. - Ce qui est difficile parce que quand on est fragile, on peut ressortir de certains rendez-vous plus fragile qu'on est rentré. Ça a été compliqué. Après, j'ai fait pas mal de chose aussi. J'ai fait tout ce qui se présentait. Pour aller mieux genre des acupuncteurs, de l'hypnose, Du MDA, je crois que c'est comme ça que ça se dit. Enormément de choses, histoire d'aller mieux et je me suis dit en fait, maintenant, il faut que je me guérisse, moi. Parce que j'étais incapable d'être dans la vraie vie, c'est comme si j'étais sur un trottoir et que la vie passait et je pouvais pas bouger. Et la vie, c'était un TGV. C'est à dire que si j'avançais, je mourrais parce que on meurt quand on est sur les rails d'un TGV et donc je pouvais pas bouger, c'était impossible pendant un an, ça a été ça, c'était impossible. je pouvais pas bouger.

Aujourd'hui, Castille est toujours là

Et aujourd'hui, Castille est toujours là. Il fait partie de la famille et ça va mieux. J'ai parlé de Castille il n'y apas longtemps avec une personne que je venais de rencontrer, qui m'a dit : "C'est bizarre, on a l'impression que tu n'es pas du tout touchée. Tu peux en parler de façon tout à fait naturelle, normale", et là je lui dis, : "Je t'arrête tout de suite, c'est de la pudeur. C'est que - alors ça paraît un peu contradictoire sur le fait que je réponde à ces questions - mais non, c'est de la pudeur, j'ai pas du tout envie de voir la souffrance et la tristesse dans le regard de la personne à qui j'en parle, c'est de la pudeur parce que c'est ma fille, c'est ma douleur.

Ce qui est très difficile avec les personnes qui ont perdu un enfant, c'est que c'est une cicatrice et un handicap invisible et ça c'est extrêmement difficile, ne serait-ce que pour les personnes en face avec qui vous parlez et qui sont en relation avec vous. Mais même pour vous de temps en temps, ça m'a valu des moments assez difficiles parce que oui, on a pas envie de s'épancher, oui, on a pas envie d'être triste, de pleurer tout le temps, mais la douleur est là, c'est à dire pour moi je suis balafrée sur toute ma poitrine de mère, c'est mais après je suis obligée de le montrer, mais il faut quand même un petit peu de délicatesse.

A lire aussiAuteur : Clara Ousset-Masquelier, Journaliste Social Media Editeur Article publié le
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