Montréal Comment l’Hôpital chinois a résisté à l’envahisseur

Montréal Comment l’Hôpital chinois a résisté à l’envahisseur

En janvier 2020, alors que la pandémie n’était pas encore sur l’écran radar des autorités québécoises, les employés de l’Hôpital chinois de Montréal portaient déjà le masque et s’isolaient volontairement de leurs familles.

Publié le 29 nov. 2021Isabelle Ducas La Presse

Alors qu’on entend parler depuis quelques semaines, à l’enquête de la coroner Géhane Kamel, des lacunes dans certains CHSLD qui ont causé une hécatombe au début de la pandémie, l’Hôpital chinois de Montréal vient d’être récompensé pour sa bonne « performance » : il n’a connu que quatre cas de COVID-19 chez ses résidants, aucune éclosion, et un seul décès.

Pendant la première vague, au printemps 2020, il n’y a eu aucun cas chez ses résidants.

Il y a quelques semaines, l’établissement a reçu la Médaille de l’Assemblée nationale en raison de sa situation remarquable.

Comment ce CHSLD, qui accueille 128 résidants, dans le Quartier chinois, a-t-il résisté au virus ?

Les employés, en majorité d’ascendance chinoise, ont commencé à entendre parler des dangers du coronavirus dès janvier 2020, par leurs familles et amis habitant toujours en Chine, raconte la coordonatrice de l’établissement, Sandra Lavoie.

En voyant ce qui se passait en Chine, ils se sont procuré des masques et des visières, même s’il n’y avait pas de consigne à ce sujet chez nous. Ils ont appliqué les mesures qu’ils voyaient en Chine.

Sandra Lavoie, coordonatrice de l’Hôpital chinois de Montréal

Montréal Comment l’Hôpital chinois a résisté à l’envahisseur

« On a acheté des masques avec notre propre argent, sur Amazon », confirme Savan Inthavong, préposé aux bénéficiaires.

La PDG a donné l’autorisation d’utiliser ces moyens de protection, parce que certains employés étaient allés en voyage en Chine et qu’elle savait qu’il y avait certains risques. « Et ça permettait de diminuer l’anxiété chez les employés, qui travaillent beaucoup en équipe », dit-elle.

Restreindre volontairement les visites

Autre initiative : des employés ont décidé de ne pas rencontrer leurs familles à l’occasion du Nouvel An chinois, qui avait lieu le 25 janvier 2020, pour éviter les risques de contamination.

Les célébrations du Nouvel An chinois qui devaient avoir lieu dans l’établissement ont aussi été annulées.

« Les familles des résidants, les gens de la communauté, ont décidé elles-mêmes de restreindre leurs visites, parce qu’elles étaient conscientes des risques, elles se sont autodisciplinées », ajoute Sandra Lavoie.

Fook Tim Chan, 96 ans, résidant de l’endroit, a lui-même demandé à ses huit enfants de ne plus le visiter.

Avant, ma famille venait chaque semaine, mes enfants m’apportaient même de la nourriture. Mais je leur ai dit d’arrêter de venir à cause de la COVID.

Fook Tim Chan, 96 ans, résidant de l’Hôpital chinois de Montréal

Encore aujourd’hui, il se contente de contacts virtuels, par l’entremise de l’écran d’un iPad, avec ses enfants.

« On a de très bons services ici, et un très bon système de protection », souligne M. Chan, qui est très fier de la Médaille de l’Assemblée nationale reçue par l’établissement.

« On est comme une petite famille »

Contrairement à d’autres CHSLD, l’Hôpital chinois a eu très peu recours aux services d’employés de l’extérieur ou provenant d’agences, ce qui lui a aussi permis de fermer la porte au virus.

« Ici, on est comme une petite famille, explique Savan Inthavong. Quand il manquait de personnel, plutôt que de faire venir quelqu’un de l’extérieur, quelqu’un de l’équipe se portait volontaire pour faire des heures supplémentaires. »

Il y a quand même eu 15 cas de COVID-19 parmi les employés, mais pas de contamination entre eux ni avec les résidants.

Toutes ces mesures, ce travail d’équipe et cette sensibilisation de la communauté ont permis à l’établissement de s’en sortir beaucoup mieux que d’autres, se réjouit la Sandra Lavoie.

Ironiquement, au moment où toutes ces précautions étaient prises, les employés étaient victimes de discrimination en raison de leurs origines chinoises, que certains associaient à la source du virus.

« Je portais un masque dans les transports en commun bien avant tout le monde, se rappelle Savan Inthavong. Mais quand les gens voyaient que j’étais asiatique, ils changeaient de place dans l’autobus pour ne pas être à côté de moi. Les gens se méfiaient de nous, on allait se chercher un café et on se faisait dire de retourner dans notre pays. On était étiquetés comme des dangers publics. »

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