L’achat de vêtements de seconde main, est-ce écolo ? Abonnés
En dix ans le marché du vêtement de seconde main a bondi en France. Le phénomène s’est principalement accentué avec la multiplication des plateformes de vente en ligne (le mastodonte lituanien Vinted, Leboncoin, Etsy, Videdressing, eBay…) qui proposent des vêtements et accessoires de mode déjà portés façon dépôts-vente numériques. Les chiffres sont formels : en 2018, 16 % des Français ont acheté un article de seconde main et le double l’année suivante (1).
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Sur fond de crise environnementale – l’industrie de la mode est accusée d’émettre 10 % des gaz à effet de serre –, la pratique semble avoir tous les atouts pour convaincre. Acheter des vêtements d’occasion permet en premier lieu d’utiliser des ressources déjà produites. Un constat rassurant, quand on sait que le secteur de la mode est gourmand en eau : il faut en moyenne entre 7 000 et 10 000 litres d’eau pour fabriquer un jean traditionnel, soit l’équivalent de 285 douches…
À noter aussi, le shopping seconde main favorise l’allongement de la durée de vie des vêtements, dont certains consommateurs se lassent assez rapidement – dans le monde, le débarras d’habits encore portables représenterait 460 milliards de dollars par an (2). Cette nouvelle habitude de consommation repose aussi sur une économie circulaire où chacun peut être à la fois fournisseur et acheteur.
« Les plateformes n’ont pas résolu le problème de la surproduction »
Bref, à première vue, l’opération globale entraînerait logiquement la réduction de l’empreinte carbone du vêtement ou de l’accessoire de mode chiné en ligne. Le tout porté par un phénomène nouveau venu de Suède début 2020 : le köpskam (à traduire par la honte de faire du shopping, d’acheter neuf), qui surgit quelques mois après le flyskam (la honte de prendre l’avion) et parle particulièrement aux nouvelles générations.
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Pour autant le shopping seconde main incite-t-il réellement à consommer mieux et moins ? « Si la seconde main présente des avantages, ce n’est qu’une partie de la réponse. Certes, ces plateformes ont démocratisé la vente du vêtement d’occasion et elles l’ont rendu désirable. Pour autant elles n’ont pas résolu le problème de la surproduction et de la surconsommation qui fait rage depuis plusieurs années dans le secteur du textile, et dont les conséquences environnementales sont désastreuses. Ces plateformes n’ont pas non plus cherché à tempérer la frénésie des consommateurs », pointe Élisabeth Laville, fondatrice du cabinet Utopies et autrice de L’Entreprise verte (2009).
Ce serait même tout le contraire. Logique, puisque la plupart de ces plateformes se rémunèrent en récupérant une commission sur chaque article vendu. Leur modèle économique serait donc plutôt d’encourager à la consommation que l’inverse. « Généralement, ces sites entretiennent la rotation rapide des modèles et poussent à l’achat via un système de push envoyés aux clients. Les prix attractifs de la seconde main donnent par ailleurs du pouvoir d’achat aux consommateurs qui redépensent aussi sec », poursuit Élisabeth Laville.
L’expédition, un bilan carbone non négligeable
Ce ne sont pas les seuls effets pervers de ces dépôts-vente en ligne. Du moment qu’ils bradent des articles estampillés Zara, H & M ou Asos, ils ne luttent pas contre les pratiques environnementales – ni sociales – des enseignes de fast fashion. Pour rappel, ces marques très bon marché misent sur une mode rapide (les collections sont produites de manière massive et intensive sur une période courte), jetable, basée sur l’hyperconsommation. Sans compter que, par souci de rentabilité, ces entreprises textiles externalisent leur production dans les pays du Sud. Un procédé qui altère davantage l’empreinte carbone du produit final.
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Dans le cas de la vente en ligne des pièces de seconde main, la question de l’expédition pèse aussi. Avant de considérer ces achats comme écoresponsables, il convient de regarder du côté de leur mode d’expédition. « La logistique nécessaire pour la transmission du bien, suivant la distance qui sépare l’acheteur et le vendeur, peut également induire des effets négatifs sur la pièce en question. Enfin, il ne faut pas oublier que toutes ces start-up, qui ne sont pas issues au départ de l’écologie, présentent elles-mêmes un impact carbone à prendre en compte », étaye Élisabeth Laville.
En somme, au même titre que la location de vêtements, l’achat de vêtement de seconde main est une solution de substitution à l’achat de produits neufs qui peut se révéler écologiquement contre-productive selon l’usage qui en est fait. Et si finalement le shopping en conscience, d’occasion ou pas, n’était pas tout simplement la meilleure boussole ?