Au Mexique, des dizaines de milliers d'enfants sont devenus orphelins à cause du Covid-19
De notre correspondante à Mexico,
Au milieu des champs de maïs, les cris et les chants de dizaines d’enfants résonnent dans la cour de l’orphelinat de San Martin de Porros. Dans la petite ville de Texcoco de la banlieue de Mexico, le bâtiment rose et blanc ne pourra bientôt plus accueillir de nouveaux arrivants. Depuis le début de la pandémie, la directrice des lieux, la mère supérieure Ines de Maria Piedras Diaz, a accueilli des dizaines d’enfants après le décès d’un de leurs parents du Covid-19.
« Rien que ces dernières semaines, on a reçu près de vingt enfants qui sont devenus orphelins à cause du Covid-19 », explique la religieuse. « Par exemple, on a une fratrie d’enfants âgés de quatre, cinq, sept et huit ans qui sont arrivés récemment. La famille n’a pas les moyens de s’en occuper. Leur maman est décédée du Covid-19 et le papa n’a jamais été présent. »
La pandémie a poussé Mère Ines à mener des campagnes de collecte de dons afin de trouver de nouveaux financements pour l’alimentation, l’habillement et l’éducation des soixante-cinq pensionnaires, âgés de 2 à 18 ans. « On a arrêté de recevoir des dons qui nous arrivaient mensuellement de certains donateurs à cause du manque de ressources économiques », explique-t-elle.
Les enfants sont restés en bonne santé depuis le début de la pandémie, grâce aux mesures de sécurité mises en place dans l’orphelinat. Parmi elles, la suspension des visites de l’extérieur, et un protocole sanitaire strict avec l’utilisation de masques pour tous les enfants, la prise de température quotidienne et l’usage constant de gel antibactérien.
Leonardo Mier est le responsable national de la protection à l’enfance de l’UNICEF. Selon lui, la prise en charge des orphelins du Covid-19 est un poids supplémentaire sur un système d’aide à l’enfance déjà défaillant avant la pandémie. « Le Mexique continue de privilégier très largement les centres d’accueil face à des solutions plus respectueuses des droits des enfants comme les familles d’accueil », explique-t-il.
De lourdes conséquences psychologiques
Mais pour prendre correctement en charge les nouveaux orphelins causés par la pandémie, tous deux considèrent qu’il faudrait avant tout que l’État mexicain recense les enfants concernés pour connaître leur nombre exact et leur situation. « Il va sans dire qu’il serait également très utile d’avoir les chiffres des orphelins causés par d'autres circonstances graves, comme les féminicides ou les homicides violents », explique Léonardo Mier.
Pour l’instant, l'État mexicain verse 800 pesos par mois aux enfants déjà identifiés comme des orphelins du Covid-19. La somme équivalente à 40 euros est insuffisante à l'achat d'aliments de base. Beaucoup de familles, comme celle de Miriam Bermudez et de ses filles âgées de 3 et 20 ans, n’ont pas réussi à obtenir l’allocation. Il y a un an, lorsque son époux est décédé d’une crise cardiaque après avoir contracté le Covid-19, les médecins n’ont pas mentionné le virus dans les causes de la mort.
« Mon mari était chauffeur Uber », raconte la mère de famille, la voix brisée par un sanglot. « C’est lui qui nous faisait vivre. J’étais femme au foyer mais j’ai dû commencer à vendre des sucreries dans la rue. Ma grande fille continue ses études mais elle a aussi dû commencer un travail de secrétaire pour m’aider avec les dépenses. »
Aux lourdes conséquences financières du décès du père de famille s’ajoutent les effets psychologiques dévastateurs . « Avec mes filles, on n’a pas encore eu le courage de retourner dans notre maison, là où mon mari est mort. Pour l’instant, on reste chez ma mère », explique la jeune veuve. « Ma petite est devenue plus colérique et ma grande a vécu un deuil terrible de six mois ; elle ne voulait même plus se laver et restait en pyjama toute la journée. »
La mère et ses filles reçoivent de l’aide psychologique de l’association Save the Children, qui offre du soutien psychologique aux familles endeuillées par le Covid-19. Selon Leonardo Mier de l’UNICEF, la fermeture des écoles depuis plus d’un an empêche pour l’instant de voir l’ampleur des dégâts psychologiques causés par le deuil et la pandémie sur les enfants.
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