L’association Mamama aide les femmes qui basculent dans la pauvreté

L’association Mamama aide les femmes qui basculent dans la pauvreté

C’est un hangar encombré d’étagères, palettes, tables, 100 % récup’. S’y entreposent des petits pots, laits maternisés, poussettes, vêtements triés par taille et par saison, autour desquels s’affaire une poignée de bénévoles de l’association Mamama, en ce dimanche de fin avril, à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). Dans les allées, on trouve aussi des canapés, où s’installent des jeunes femmes avec leur bébé. Histoire que chacune se sente un peu à la maison, dans cette association d’aide alimentaire tout spécialement créée pour elles.

Sadia choisit des vêtements pour sa fille de sept mois. C’est la deuxième fois qu’elle vient ici, alors qu’il n’y a pas si longtemps, elle s’en sortait. « J’étais agente polyvalente d’administration dans une entreprise », explique la jeune femme qui gagnait de quoi vivre. Puis le Covid est passé par là, juste après la naissance de sa fille : faillite, licenciement… Depuis, garder son appartement est une lutte quotidienne. « Mon argent, c’est pour payer mes charges. C’est tout », explique-t-elle.

Des familles en situation de survie

Bénédicte est là, elle aussi, avec son fils de neuf mois, qui choisit un hochet. Elle a perdu son appartement, il y a déjà plusieurs mois. « D’habitude, mon mari travaille sur des chantiers, mais il y en a plus maintenant. » Elle est donc hébergée dans un hôtel social et écume les associations.

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Une famille réfugiée du Bengladesh se présente : les trois enfants ont besoin de vêtements. Seul l’aîné, 10 ans, parle français. Il traduit donc à sa mère les questions de la bénévole de permanence : « Avez-vous besoin de céréales pour bébé ? Quelle est sa taille de couches ? »

Kabia, 50 ans, les accompagne, et dit comment le Covid leur a brisé les ailes. Il montre ses papiers en règle et cite ses références, raconte un rêve d’Europe qu’il a presque touché du doigt. « Je suis arrivé en 2011 et j’ai travaillé comme chef des commis chez un grand chef parisien jusqu’en 2019 », assure-t-il. Puis les restaurants ont fermé, condamnant les familles comme la sienne à la survie.

Des bugets qui virent au casse-tête

L’association Mamama, qui fête son premier anniversaire le 6 mai, est unique en son genre. Elle distribue des colis alimentaires pour les enfants de moins de 3 ans et leur mère en Île-de-France. Lancée au départ par trois bénévoles des hôpitaux parisiens, elle s’est rapidement développée face à l’ampleur des besoins.

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Un « succès » fulgurant qui ne se dément pas - avec 5 000 familles aidées et 800 000€ de dons de produits en nature, une liste d’attente de 1 000 personnes - et illustre à quel point les femmes qui vivaient sur le fil avant le Covid sont aujourd’hui victimes de la crise. « Parfois, il suffit d’un rien pour qu’elles ne s’en sortent plus. Beaucoup, par exemple, se débrouillaient grâce à la solidarité, ou n’achetaient qu’en seconde main. L’isolement, l’annulation des vide-greniers et braderies, par exemple, a suffi à les faire plonger dans le rouge. »

Dans des budgets extrêmement serrés, la naissance de jumeaux ou de triplés a pu virer au casse-tête insurmontable. « Nous recevons énormément de ces mères qui ne peuvent pas tout acheter en double ou en triple », rappelle la bénévole.

Le profil des bénéficiaires illustre surtout la fragilité de l’emploi féminin. Les jeunes femmes qui demandent de l’aide, ont échappé au filet de sécurité mis en place par l’État. Soit parce qu’elles travaillaient au noir, soit parce que leur emploi en CDD a disparusoit, enfin, parce qu’elles étaient payées en chèque emploi service et ne sont donc pas éligibles au chômage partiel.

Un million de personnes sont concernées, dont une immense majorité de femmes, qu’elles soient gardes d’enfant, femmes de ménage, etc. « Elles ont tenu un temps sur leurs petites économies, mais il ne reste plus rien depuis longtemps », conclut Magali Bragard.

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L’emploi des femmes fragilisé

Une perte d’emploi fréquente. Sur l’ensemble des personnes en emploi au début du premier confinement, 33 % des femmes n’avaient plus d’emploi deux mois plus tard, contre 25 % des hommes.

Une précarité structurelle.« Les femmes représentent 70 % des travailleurs pauvres, occupent 82 % des emplois à temps partiel et 62 % des emplois non-qualifiés », notait le Conseil économique social et environnemental dans son rapport « Crise sanitaire et inégalités de genre », en mars.

Hausse des dépenses familiales. Selon une étude de l’Unaf, 55 % des familles ont subi une hausse de leurs dépenses pendant le confinement de 2020, + 200 € par mois en moyenne.

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