Critique de Raya et le dernier dragon
Raya et le dernier dragon représente une étape importante pour les studios d'animation Walt Disney. Les affres de la Covid-19 ayant eu un impact sur toute l’industrie cinématographique, le dernier long métrage d'animation maison est aussi le premier réalisé à distance, avec plus de 900 télétravailleurs animant, doublant et post-produisant depuis leur domicile.
Le résultat ? Nous pourrions trouver des circonstances atténuantes pour voler au secours du 59e classique d’animation Disney. Mais Raya et le dernier dragon n’en a nul besoin, c’est une superproduction qui peut se dresser devant le Mulan de 1998 ou le Vaiana de 2016 sans rougir. Si l’histoire est bien plus sombre et dramatique que ses aînées, la réalisation nous ramène toujours vers la lumière, tout comme ces nouveaux personnages qui figurent parmi les plus touchants et inclusifs de la mythologie Disney.
Raya et le dernier dragon prend place dans un royaume en proie à une guerre de clans sans fin. 500 ans avant aujourd’hui, les humains y vivaient paisiblement aux côtés des dragons, mais l'émergence du Druun - une force énigmatique née des ténèbres - va rompre l’harmonie et figeait dans la pierre toute vie environnante. Alors que les dragons tentent courageusement d’enrayer la menace, le plus intrépide d’entre eux - Sisu (interprété par Awkwafina) - sauve l’humanité au détriment de sa propre espèce.
Sans la sagesse des dragons pour les guider, les hommes survivants s’entredéchirent. Lorsque quelques générations plus tard, le fléau réapparaît, une guerrière recluse (Raya, doublée par Kelly Marie Tran, l’alter ego de Rose Tico dans l’ultime trilogie Star Wars) se met en quête de retrouver Sisu, seule capable de stopper le Mal absolu.
Une mise en scène époustouflante d’authenticité
Avec un cahier des charges méticuleux et scrupuleusement respecté, Raya et le dernier dragon ne déroge pas à la règle d’excellence des classiques d’animation Disney. La réalisation épouse admirablement des séquences 2D traditionnelles (évoquant le passé du royaume de Kumandra) et la modélisation 3D faisant foi au sein des studios depuis la décennie précédente.Mention spéciale aux effets d'animation de l'eau, impressionnante mise à niveau de ceux conçus pour les besoins de Vaiana, il y a cinq ans. Compte tenu de l'importance de l'eau en tant que source de vie dans la culture de l'Asie du Sud-Est, il fallait veiller à ce que le flux, la férocité et les reflets de chaque plan aquatique sautent à la rétine. Mission réussie.
Plus généralement, Disney a mis un point d’honneur à reproduire avec une authenticité méticuleuse tous les pans culturels de cette région du monde. Les styles de combat adoptés par Raya et son adversaire Namaari (Gemma Chan), tels que le Pencak Silat et le Muay Thai trouvent leurs racines en Malaisie et en Thaïlande, respectivement. Les vêtements, l’architecture, la gastronomie (vous sortirez du visionnage avec une furieuse envie de mijoter une soupe Tom Yum thaïlandaise) ou les règles de bienséance imprègnent ici chaque seconde du long métrage.
Celui-ci témoigne des efforts de Disney pour promouvoir l'inclusivité dans ses univers fictifs. A chacune des étapes de production de Raya et le dernier dragon, la compagnie a constamment eu besoin de l’aval du "Southeast Asian Story Trust" - un comité composé d'experts et d'employés de Disney résidant ou ayant des racines en Asie du Sud-Est.
Un classique parfois, mais qui transgresse certains points
Cela ne veut pas dire que Raya et le dernier dragon soit exempt de défauts. Le film a été principalement critiqué pour son casting américano-centré, un terrible retour de bâton pour la volonté de représentation déjà évoquée ci-dessus. Fort heureusement, les têtes d’affiche parviennent à s’imposer par un jeu sobre et émouvant - nous y reviendrons plus tard - mais la maladresse de Disney reste incrustée.
A déplorer aussi, les touches d’humour sont dispensées au compte-gouttes dans Raya et le dernier dragon. Il y a bien quelques scènes où l’on se surprendra à rire, quelques autres à sourire, toutefois l’ambiance globale du film est sombre. Le dessin d’une humanité œuvrant à sa propre perte se révèle pesante, particulièrement en cette année 2021 toujours frappée par la marque pandémique.
Si les sursauts comiques de l'œuvre ne monopolisent pas l’écran, la composition des acteurs, elle, se veut bluffante. Les dialogues entre Kelly Marie Tran et Awkwafina sont soignés, la juxtaposition entre la vision cynique du monde de Raya et l'optimisme de Sisu fonctionne à merveille. Les “sidekicks” ne trainent jamais en arrière-plan, Alan Tudyk donnant magistralement vie à Tuk Tuk, le compagnon mi-tatou, mi-toutou de Raya, qui devrait supplanter Baby Yoda / Grogu sur les étagères dévalisées de peluches en 2021.
Contrairement à la plupart des productions originales Disney, Raya et le dernier dragon n'offre aucun numéro musical. Ce sera une déception - ou un soulagement - pour certains, mais l'absence d'une chanson qui vous hantera sous la douche pendant des semaines n'entrave en rien l'intrigue. Et les thèmes musicaux de James Newton Howard pèsent assez pour porter toutes les scènes émotionnelles comme les séquences d'action.
Ces dernières se résument à quelques batailles chorégraphiées remarquables et des courses-poursuites plutôt expéditives. La plus inoubliable se situe dans les dernières minutes du film où décharge d’adrénaline et flots d’émotions se côtoient magnifiquement, nous laissant sur un sentiment de satisfaction. Celle d’avoir eu droit à un nouveau conte sublime de Disney, avec un épilogue moins enjoué cependant.
Pour conclure...
Raya et le dernier dragon utilise la formule éprouvée de Disney pour raconter une histoire fascinante, bien que clichée. Sa tentative de représentation culturelle atteint la plupart du temps son but mais, bien qu'il y ait beaucoup à apprécier dans le dernier film d'animation de la firme de Mickey, certains spectateurs pourraient se sentir légèrement frustrés par son manque de chansons, d'humour et de longues séquences d'action.
Ne zappez pas pour autant, car c’est ici le noyau émotionnel du long métrage qui constitue son plus grand attrait. Vous ne trouverez pas un héros ou une héroïne phares auxquels vous identifiez mais pléthore de personnages qui brillent ensemble. Dans le fond (et parfois dans la forme, merci les revivals en 2D), Raya et le dernier dragon nous rappelle l’âge d’or des années 90, avec des récits semi-matures comme celui du Roi Lion. Son message pousse le curseur moral un peu plus loin, et certains parents penseront encore qu’il perdra les spectateurs plus jeunes. Rassurez-vous, le film comporte assez de magie pour emporter tous les publics, il est d’ailleurs conseillé à partir de 6 ans.
Raya et le dernier dragon est sorti dans les cinémas internationaux et sur Disney Plus, le 5 mars dernier. En France, il faudra attendre le 4 juin pour le découvrir sur la plateforme de streaming - sans surcoût.