Russie riche, Russes pauvres

C’est, au cours de la campagne pour les élections législatives du mois de septembre, l’assistant d’un élu d’opposition de la grande banlieue moscovite qui confie nourrir sa famille en se fournissant en produits périmés. C’est une retraitée de Tcheliabinsk, dans l’Oural, qui raconte à un site local se priver de betteraves, trop chères pour sa pension de 10 000 roubles (120 euros). Ce sont des familles pour lesquelles un rendez-vous de dentiste est une catastrophe. C’est un Vladimir Poutine obligé de taper publiquement du poing sur la table pour « exiger » une baisse du prix des pâtes…

Après vingt ans de règne de Vladimir Poutine en Russie, le constat, en forme de paradoxe, est frappant : le pays n’a jamais été aussi riche ; ses habitants s’appauvrissent année après année. Des deux côtés de ce théorème, les indicateurs sont clairs. D’un côté, ils sont d’un vert éclatant. A l’exception de l’année 2020, le budget est à l’équilibre ou excédentaire ; la dette publique ne dépasse pas un enviable 18 % du produit intérieur brut (PIB) ; au dernier pointage en septembre, les réserves financières atteignaient 618 milliards de dollars (535,2 milliards d’euros), soit deux années et demie de budget.

De l’autre côté, ils sont rouge vif. Le taux de pauvreté s’établissait, début 2021, à 13,1 %, en hausse quasi constante depuis 2012. Et ce, avec un seuil de pauvreté défini par la loi particulièrement bas – soit 11 700 roubles par personne. Les données de l’agence officielle de statistique Rosstat sont plus parlantes. Elles indiquent, par exemple, que 62 % des Russes ont des revenus qui suffisent seulement à payer nourriture et habits.

Hausse des prix de première nécessité

Russie riche, Russes pauvres

Le salaire médian, dans le pays, s’établit à 32 400 roubles, la retraite moyenne à 16 800 roubles. Selon une étude du centre Levada, une ONG russe indépendante, les deux tiers des Russes n’ont pas la moindre épargne et, en l’absence de filet de sécurité efficace, sont particulièrement vulnérables aux aléas de la vie.

Les deux premiers mandats de Vladimir Poutine avaient été marqués par une forte hausse du niveau de vie – en grande partie attribuable à une augmentation continue du prix des hydrocarbures et à un rattrapage, après le recul des années 1990. Une frange toujours plus importante de la population a pu découvrir la consommation de masse, les voyages, mais aussi l’endettement.

Depuis 2013, la tendance est tout autre. Sur cette période, pendant que le PIB augmentait d’un modeste 7,5 %, le niveau de vie des Russes a baissé de plus de 10 %, recul que la chute du rouble et la hausse des impôts ne suffisent pas à expliquer. Le phénomène, progressif, est devenu particulièrement douloureux au cours de l’année écoulée, avec une hausse soudaine et très marquée des prix des produits de première nécessité.

Il vous reste 69.35% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Mots clés: